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Une histoire politique de l’environnement IV : l’écologie politique
Par Jérôme Lamy
Publication en ligne le 18 mars 2024
Résumé
Cet article clôt une série de notes historiographiques consacrées à l’histoire politique de l’environnement. Il interroge la pertinence d’une histoire de l’écologie politique à l’aune de deux ouvrages récents : d’une part, le livre de Caroline Ford Naissance de l’écologie. Polémiques françaises sur l’environnement, 1800-1930 et, d’autre part, La naissance de l’écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 68 d’Alexis Vrignon. Le premier livre une série d’études de cas qui délimitent les contours d’une politisation des enjeux environnementaux tout au long du 19e siècle et au début du 20e siècle : effets des déforestations, protection de la forêt de Fontainebleau, conservation colonialiste et problématiques urbaines constituent des modalités politiques de perception de l’environnement. Dans son ouvrage consacré à l’origine des Verts, Alexis Vrignon recompose la coagulation progressive de l’écologie politique. Les années 68 ont constitué le creuset bouillonnant de l’action et de la pensée écologiste ; l’élection présidentielle de 1981 est venue durcir la configuration militante, tout en propulsant les écologistes sur la scène électorale.
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Une histoire politique de l’environnement IV : l’écologie politique (version PDF) (application/pdf – 265k)
Texte intégral
Introduction
1Cette note clôt le cycle d’analyse bibliographique entamé avec les réflexions historiennes sur la construction d’objets relatifs à l’environnement, poursuivie avec les approches de l’anthropocène et prolongée avec l’analyse des milieux. Il s’agit, dans cet ultime panorama, d’évoquer deux publications qui mettent l’accent sur les processus de politisation de la question environnementale, en France, du 19e au 20e siècle. Si l’écologie a d’abord été une discipline scientifique, elle n’a jamais été totalement déconnectée des enjeux idéologiques comme le souligne Jean-Paul Deléage1.
2Mais de quoi parle-t-on exactement lorsqu’on évoque l’écologie politique ? Grégory Quenet rappelle, dans le Dictionnaire de la pensée écologique, que le syntagme « désigne […] l’ensemble des courants qui pensent l’environnement comme une des conditions matérielles d’existence des relations politiques et économiques, dotée de dynamiques et limites propres, qui construisent des relations de pouvoir ». Cependant, note l’historien, l’expression anglaise « political ecology » doit s’entendre dans « une signification plus étroite », puisqu’elle renvoie à « un champ académique dont les perspectives radicales sont une des incarnations possibles de ce changement de paradigme »2. Enfin, soutient Grégory Quenet, l’« écologie politique à l’âge de l’Anthropocène » centrerait la question sur les bouleversements environnementaux induits par les activités humaines et constituerait « l’achèvement de toute une réflexion d’écologie politique sur le bon usage de la nature […] »3.
3Cette perspective intégrative de l’écologie politique (i.e. des formes générales de politisation de l’environnement aux spécifications contemporaines en lien avec le changement anthropique) tend à recouvrir et à articuler ce qui s’est longtemps présenté comme une sorte de schisme historiographique entre, d’une part les tenants d’une histoire longue de la politisation de l’environnement et d’autre part les défenseurs d’une histoire de l’écologie partisane. Ainsi, Daniel Boy, dans un article de la revue Vingtième Siècle, envisageait l’écologie politique au prisme des événements électoraux, la candidature de René Dumont à la présidence de la République en 1974 constituant les débuts d’une véritable culture politique4. Dix-huit ans plus tard, en 2012, dans la même revue, Stéphane Frioux et Vincent Lemire étendaient la chronologie, en soutenant que « le 20e siècle se présente bien comme le siècle d’une invention politique de l’environnement, celui au cours duquel la question environnementale s’est progressivement structurée en une catégorie d’action publique et politique, au sens le plus large du terme »5.
4Dans cette note, j’analyse deux ouvrages qui, volens nolens, reconduisent cette ancienne division entre histoire culturelle et politique large de l’écologie et histoire de l’écologie partisane, tout en recourant à des problématisations qui dépassent les enjeux heuristiques autrefois associés à cette séparation. La première partie de cette note suivra les propositions de Caroline Ford dans son ouvrage Naissance de l’écologie. Polémiques françaises sur l’environnement, 1800-1930, paru en France en 20186, et auparavant édité en anglais en 20167. L’historienne américaine soutient que l’intérêt politique pour l’environnement s’est ancré dans le long terme en France. À partir d’une série d’études de cas, elle documente les rapports de pouvoir autour des dommages faits à la nature ou de sa conservation. Le second temps de cette note sera consacré à l’ouvrage d’Alexis Vrignon, La naissance de l’écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 688. Le livre se concentre sur le mouvement écologique français des années 1970 et 1980 et interroge les conditions d’une inscription partidaire des enjeux environnementaux.
5Les deux ouvrages adoptent une vue grand angle sur les répertoires politiques mobilisés pour soutenir des discours ou mener des actions écologistes.
Les répertoires de l’action environnementale
6Caroline Ford propose d’employer « le terme de “conscience environnementale” pour rendre compte de la manière dont bon nombre d’individus et groupes sociaux de la société civile française ont appréhendé l’environnement ». L’enjeu est, en suivant ces multiples sensibilités, de finir par « cerner les diverses sources de “l’environnementalisme” en France, tel qu’il sera pensé et pratiqué par la suite dans le courant du XXe siècle »9. L’historienne envisage, de surcroît, la couverture des circulations d’idées et de pratiques écologiques au sein de l’espace métropolitain, mais également dans les rapports avec les colonies. Surtout, Caroline Ford articule une triple « démarche historiographique » : d’abord « l’approche littéraire-culturelle »10, illustrée aussi bien par Daniel Mornet que par Alain Corbin ; ensuite le « matérialisme scientifique »11 porté notamment par Andrée Corvol ; et enfin, l’histoire institutionnelle de l’environnement. Cette grille analytique permet d’envisager l’articulation des sensibilités, des questions sociales et des enjeux politiques. Et c’est ce vaste champ d’enquête ainsi ouvert qui permet à Caroline Ford de discerner une multitude d’acteurs impliqués dans l’attention écologique en France à l’époque contemporaine.
7L’historienne retient cinq types d’acteurs qui relaient, portent et/ou déploient les problématiques environnementales. Il y a d’abord les « “technocrates” », mais aussi les « experts en relation avec les services des Eaux et Forêts et des Ponts et Chaussées » ; viennent ensuite les « “hygiénistes” […] qui ont commencé à évaluer les conséquences environnementales du développement urbain et de l’industrialisation à Paris et autres grandes villes » ; il faut également compter avec « la bourgeoisie urbaine aux préoccupations avant tout esthétiques » ; les « scientifiques et les naturalistes liés au Muséum d’histoire naturelle de Paris » sont notamment impliqués « dans les colonies » ; in fine, « la société civile dans son ensemble » a pu porter des « réformes environnementales »12. Ces grands types d’intervenants permettent d’observer un travail de politisation qui se situe, au moins jusqu’aux années 1970, en deçà de l’offre partidaire classique. La ligne de partage qui détermine l’action politique environnementale pendant le 19e siècle et au début du 20e siècle passe entre, d’un côté les tenants d’« une conception “préservationniste” » et les adeptes d’une approche « “conservationniste” ». Les premiers prônaient une « protection des aspects esthétiques et non utilitaires de la nature ou des paysages pour des raisons d’histoire, de culture ou d’héritage national » ; les seconds envisageaient « un aménagement judicieux et un usage de ressources naturelles dans le but de préserver leur existence pour les générations à venir »13.
8Caroline Ford procède ensuite par études de cas – ce qui constitue à la fois la force de l’ouvrage, puisque la variété des approches domine, et sa faiblesse, puisque les liens entre les situations ne sont pas toujours évidents à saisir.
9La première enquête concerne François Antoine Rauch – déjà bien étudié par Raphaël Larrère14, Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher15. Rauch, dans le premier tiers du 19e siècle, se fixe sur « l’interdépendance de toutes choses vivantes »16 ; il mène une très intense activité éditoriale pour défendre ses idées. Son argumentaire, obstinément répété, porte sur « le rôle crucial joué par les forêts dans la régulation du climat »17. Passé par les Ponts et Chaussées, Rauch entend, dans un premier temps, articuler cette intention environnementale à la puissance d’action de l’État. Il est démis de ses fonctions et connaît une carrière chaotique à la fois de publiciste – il fonde et édite les Annales Européenne de physique végétale et d’économie publique – d’auteur prolifique (il publie notamment une Harmonie hydrovégétale et météorologique pour défendre ses idées) et d’entrepreneur malheureux (« sa tentative de produire du sucre de betterave destiné au marché domestique échoua »18). Cependant, note Caroline Ford, il est parvenu « à exprimer les principaux aspects d’une conscience environnementale émergente, et qui allait prendre forme au cours du XIXe siècle ». Il soutenait la responsabilité humaine dans « la dégradation environnementale » et insistait sur le « rôle crucial » de « l’État (…) pour lutter contre cette détérioration ». De plus, Rauch « assurait que la reforestation était le principal moyen de rétablir l’harmonisation de la nature »19.
10Les forêts constituent la matrice de l’inquiétude écologique majeure du 19e siècle comme le montre la deuxième étude de cas reconstituée par Caroline Ford. Jean-Baptiste Rougier de la Bergerie, avocat, « membre de l’Académie royale d’agriculture »20 s’intéresse précisément aux questions agraires. Il a « commencé par soutenir la législation révolutionnaire concernant les forêts », entraînant leur exploitation immodérée, avant de se reprendre et de « plaider activement pour leur conservation »21. D’autres acteurs défendent cette position, comme « l’aventurier et statisticien Alexandre Moreau de Jonnès »22 ou encore le pharmacien Bosson23. Une position émerge qui est celle d’une plus forte intervention des autorités publiques pour préserver le couvert forestier. Caroline Ford montre la lente structuration d’une administration sylvicole tout au long du 19e siècle, ce qui ne ralentit pas le rythme des écrits d’alerte, comme ceux du physicien Antoine César Becquerel « dans les années 1850 et 1860 »24. Ces nappes de discours jouxtent les premières décisions politiques :
« La loi du 28 juillet 1860 constitue le premier pas significatif pris par l’État français pour reboiser de vastes régions de France ; on la doit entièrement à Eugène Chevandier de Valdrome, un ingénieur libéral qui en conçut le fonctionnement et le financement en quatorze articles. La loi s’appliquait aussi bien aux propriétés communales qu’aux propriétés privées et au domaine public, définissait un processus de reboisement volontaire et obligatoire, allant dans certains cas jusqu’à l’expropriation subventionnée par l’État […]. La nouvelle loi ne prenait guère en compte les besoins des populations rurales »25.
11La loi suscita donc de nombreuses résistances. Mais, avec la Troisième République, ce sont des problèmes pratiques, liés aux espaces désertifiés, qui réactivent l’intérêt pour les forêts. De ces ensembles d’alerte, un fait scientifique semble poindre : « le lien » paraît établi « entre la présence de forêts et le régime des pluies […] »26.
12Précisément, la troisième étude de cas proposée par Caroline Ford aborde la question des inondations au 19e siècle. Leur constitution en problème public et politique s’est modifiée sur la période. En 1846, une crue massive a touché « les quatre grands fleuves – Loire, Rhône, Garonne et Saône –, mais les riverains les plus touchés furent ceux de la Loire et du Rhône »27. Le désastre humain et matériel entraîne un soutien financier des autorités publiques. Mais c’est la crue de 1856, qui « concerna presque toutes les rivières de la moitié sud de la France »28 qui a constitué un point de bascule. Massive et meurtrière, elle est suivie d’une rapide réaction du pouvoir. Napoléon III se met en chemin pour constater les dégâts. Surtout, note Caroline Ford, « [l]a crue de 1856 fut la première à attirer autant l’attention des médias ». La presse relaie le désastre. Et les débats animent autant le champ politique que le champ de l’administration. La question des déforestations comme cause de ces déferlements humides est posée. Les ingénieurs du secteur forestier s’avancent dans les discussions. Mais ils ne sont pas seuls, car Caroline Ford rapporte les nombreux courriers de citoyens s’intéressant au sujet. La documentation des effets de la catastrophe par la photographie a contribué à la rendre tangible et à la constituer en problème politique.
13La convergence entre sensibilité des forestiers, médias et réponses du pouvoir permet d’imposer l’inondation comme un objet de l’action publique.
14Dans la quatrième étude de cas, consacré au « paysage comme patrimoine »29, Caroline Ford porte son analyse sur les pratiques de conservation de l’environnement au 19e siècle. La notion de patrimoine sert de point d’appui à la réflexion de l’historienne. Son premier sens, à l’époque révolutionnaire est celui d’un « héritage ancestral »30. Si le monument historique s’impose comme la première incarnation de ce patrimoine partagé (soutenu par des « associations de préservation des sites historiques »), le sens commence à s’élargir. Le cas de la forêt de Fontainebleau, investie par la bourgeoisie urbaine grâce au chemin de fer, est emblématique de cette extension de la notion de patrimoine à la nature. Dans cette perspective, la forêt de Fontainebleau s’impose, dans un monde en cours d’industrialisation, comme « une possible cure de jouvence, un refuge loin des conflits des sociaux et des vicissitudes de la politique »31. Caroline Ford prend soin de détailler le rôle des « vulgarisateurs » de la futaie – notamment Claude-François Denecourt. L’imaginaire des frondaisons bellifontaines se déploie également dans la littérature et la peinture de l’époque. La forêt devient un objet partagé (et donc de luttes) entre les « artistes », les « forestiers » et les « guides touristiques »32. La fréquentation touristique s’intensifie avec les exercices sportifs. Mais diverses sociétés (comme la Société pour la protection du paysage français) tentent de soustraire les lieux naturels esthétiquement distingués à l’afflux de visiteurs. Peu à peu une législation sur met en place au début du 20e siècle pour donner corps à la protection des « sites naturels »33.
15La cinquième étude de cas proposée par Caroline Ford déplace la focale et s’intéresse à « l’internationalisation de la protection de la nature ». Les initiatives « concernant la protection des paysages, de la flore, de la faune et, plus globalement, de la nature » ont pris la forme de « conférences » multilatérales, comme celle menant à « la Convention de Londres […] en 1900 » visant à « la protection de la faune en Afrique »34. La politique sous-tendue par ces premières réunions est celle d’une préservation du gibier. Mais bientôt, le champ d’intervention se modifie.
16En 1909, « le Congrès international pour la protection des paysages »35 est organisé à Paris et témoigne d’une volonté des « premières organisations dédiées à la protection du paysage, du tourisme et des sports de montagne […] d’accélérer certaines mesures de protection des sites et paysages fréquentés par un public de plus en plus large »36. Dans les années 1920, en France, d’autres initiatives voient le jour et tentent d’infléchir la loi. Et c’est finalement « dans les colonies que furent créés la plupart des parcs nationaux français »37. La vaste « internationalisation » de la problématique préservatrice de la nature s’étend, avec « une deuxième conférence […] organisée à Paris en 1931, parallèlement à l’Exposition coloniale internationale qui s’était ouverte en mai »38. Dans cette suite de rencontres, les objets de protection se modifient – en France, on passe du paysage à la nature dans son ensemble. Incontestablement, la poussée patrimoniale – dont Fontainebleau a été l’emblème – a joué dans cette dynamique. La politique coloniale de préservation passait en Algérie par la valorisation du « modèle du parc national » au détriment de « celui de réserve naturelle intégrale »39 – contrairement aux autres territoires africains dominés.
17Précisément, le cas algérien est l’objet de la sixième étude de cas développée par Caroline Ford. Il s’agit là, à n’en pas douter, du chapitre le plus original de l’ouvrage. Le couvert forestier nord-africain (pins d’Alep et chênes liège) est préempté par les colons et voué à l’exploitation lucrative. Le Code forestier renforçait la maîtrise coloniale sur les forêts. Surtout, « [l]’intérêt affiché par les Français pour la conservation des forêts coïncidait avec l’émergence d’un discours environnemental “décliniste” parmi les Français d’Algérie à partir de 1850 »40. Se nouait, dans cette défense des futaies les « débats sur les problèmes de l’hygiène, de race, de changement climatique » sans compter le « possible déclin à la fois de l’empire et de la “civilisation” elle-même »41. Une question clivait, celle de l’eau : « [e]n France, on notait un consensus grandissant pour estimer que la déforestation était causée par une surabondance en eau, alors qu’en Algérie le phénomène résultait au contraire d’un manque d’eau, qui favorisait les incendies de forêt et un réchauffement du climat »42. Depuis la colonie, circule un discours raciste qui fait le lien entre populations et climat. Le docteur Trolard manifestait, par exemple, « un désir de préserver l’Algérie en tant que colonie française méditerranéenne dont le climat faciliterait l’installation de nouveaux colons venus de France et la constitution d’une nouvelle race latine »43. Les colons s’opposent, dans la gestion des forêts, à l’administration métropolitaine. Les populations autochtones, quant à elles, tentaient de faire valoir le droit coutumier d’usage des forêts.
18Ce que révèle le cas des futaies nord-africaines, c’est une appréhension coloniale d’enjeux de conservation qui articulent les « craintes » des occupants « préoccupés à la fois par les limites d’une expansion coloniale en compétition avec d’autres puissances européennes, par le climat difficile, par le désert du Sahara, par une population musulmane bien plus nombreuse que la leur, et enfin par le destin de la “civilisation” occidentale elle-même »44.
19La pulsion préservationniste est en fait structurée par les affects des colons, dont la domination est potentiellement érodée par des lectures environnementales différentes de la leur.
20L’ultime enquête que propose Caroline Ford dans son ouvrage concerne le verdissement de Paris au début du 20e siècle. L’historienne rappelle que « [l]e XXe siècle assista au verdissement des espaces urbains, à la naissance des serres urbaines et au développement de la ville-jardin »45. Sous le second Empire, les parcs se multiplient dans la Capitale. Mais c’est avec la Troisième République que les « [r]éformateurs sociaux et [les] politiciens se mirent à reconsidérer la façon dont on pourrait réintroduire et domestiquer la nature dans la ville, tout en améliorant les conditions de logement des classes ouvrières, totalement ignorées des plans de Napoléon III et d’Haussmann ». Les organismes de santé publique et les structures de réformes sociales (comme l’Alliance d’hygiène sociale ou le Musée social) participent à cette nouvelle articulation entre population et nature en ville. Caroline Ford détaille en particulier le travail d’Eugène Hénard, « architecte employé par la ville de Paris […] qui travaillait pour le bureau municipal des travaux publics » ; il a créé « la Société française des architectes-urbanistes en 1912, qui allait devenir la Société française d’urbanisme en 1919 »46. Son objectif était de reconfigurer les espaces verts dans les zones les plus densément occupées – en profitant notamment de la « suppression des fortifications »47 parisiennes. Dès 1908, le Musée social politise cette question de la nature en ville, en imposant (via les affiches électorales) le thème « lors des élections municipales »48. In fine, « le plan ambitieux de Hénard de créer neuf nouveaux parcs et d’aménager les fortifications n’a jamais été réalisé […] ». Toutefois, indique Caroline Ford, cet élan ne fut pas totalement improductif puisque la « loi Cornudet [votée après le premier conflit mondial] jetait les bases de la construction de ce que l’on allait nommer “la ceinture rose” ou “la ceinture des Maréchaux”, dont un quart devait être réservé à l’habitat résidentiel et les trois quarts aux espaces verts »49. D’autant que peu à peu, « le concept de cité-jardin devenait de plus en plus populaire parmi les réformateurs, les politiciens et les architectes de France »50. Le cadrage politique auquel renvoie la cité-jardin est ambivalent. D’une part, « [p]our certains réformateurs bourgeois, la cité-jardin avait une portée morale et pouvait servir d’instrument de contrôle social […] » ; d’autre part, « certains ouvriers et politiciens socialistes »51, comme Albert Thomas, soutenaient cette nouvelle perspective d’habitat pour les classes populaires.
21Dans la conclusion de son ouvrage, Caroline Ford revient sur quelques angles morts de l’historiographie de l’écologie politique en France. Elle remarque par exemple que l’ouvrage de Michael Bess, La France vert clair, se concentrait sur la période post-Seconde Guerre mondiale et traitait du rapport à la technologie52 ; de même, « [p]our Andrée Corvol, parler d’environnement en faisant référence au XVIIIe siècle est un anachronisme ». Tout cela a conduit à « sous-estim[er] l’importance du XIXe siècle et du début du XXe siècle »53. Or, insiste Caroline Ford, « c’est entre la Révolution française et la Deuxième Guerre mondiale qu’on a assisté à l’émergence d’une conscience environnementale et à sa démocratisation ». L’invisibilité (relative) de cette politisation de la nature, vient, suggère l’historienne, du fait « que bon nombre des partisans d’une réforme environnementale avaient une conception de la nature inséparable de la présence humaine ; ils ne la voyaient pas comme autonome, “sauvage”, indépendante de l’homme »54.
22Bien que l’histoire fragmentaire proposée par Caroline Ford ne permette pas de totalement situer les formes de politisation de l’environnement au 19e siècle, les études de cas rassemblés offrent la possibilité de mesurer la variété des registres d’action environnementale. Car c’est bien la diversité des prises en compte des dégâts sur la nature et des interactions à entretenir qui caractérise le plus la politique écologique de la Révolution à l’entre-deux guerres. Des réflexions sur le boisement aux inondations, de la préservation coloniale aux habitats sociaux, le répertoire des possibles est vaste. Caroline Ford démontre qu’en considérant l’action politique dans ses manifestations les plus infra-ordinaires comme dans les épreuves législatives les plus importantes, les historien∙ne∙s peuvent faire émerger des manifestations tangibles de sensibilité environnementale.
La genèse des Verts
23Dans son ouvrage La naissance de l’écologie politique en France, Alexis Vrignon s’intéresse au processus de coalescence politique qui parvient à stabiliser le parti écologistes les Verts. L’enquête archivistique est minutieuse ; elle passe par les fonds détenant les documents relatifs aux « mouvements écologistes », les archives « de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing »55 ainsi que les archives de l’INA. Des entretiens complètent l’ensemble. La problématique de l’ouvrage s’organise autour de trois questionnements. Le premier a trait aux coordonnées temporelles des « mouvements écologistes »56. Alexis Vrignon se réfère ici au « concept d’“années 68” » qui permet de considérer une nappe temporelle « allant du début des années 1960 à la fin des années 1970 », période qui engramme « une forte conflictualité sociale, d’intenses affrontements politiques et une effervescence culturelle multiforme »57. Le deuxième questionnement analytique de l’ouvrage concerne les processus de « politisation des enjeux environnementaux »58 ce qui implique de ne pas se limiter aux approches électorales et de pousser l’enquête en direction des processus d’affrontement, de stabilisation et de reflux. Le troisième questionnement du livre d’Alexis Vrignon se déploie autour de la « [d]iversité et [de la] labellisation de l’écologisme »59. Les convictions écologistes ne s’imposent pas comme un habituel corpus idéologique bien identifiable. Ici, « l’écologisme » est « en constante évolution, il agglomère des groupes aux orientations variées et dont l’implication dans le mouvement peut ne durer qu’un temps avant qu’ils ne s’en éloignent ». Cette prudence épistémologique permet de ne pas figer les mouvements écologistes dans une ligne politique qui serait identifiable une fois pour toutes ; ici l’enquête permet de faire le lien avec toutes les « pensées politiques alternatives propres aux années 68 »60.
24La première partie de l’ouvrage se fixe sur le « cœur des années 68 »61. L’enquête s’ouvre donc sur les prémisses « de l’écologisme », c’est-à-dire des mouvements inchoatifs qui « ont […] en commun de s’inquiéter de la dégradation de l’environnement et des conséquences de cette situation pour les sociétés tout en considérant que la réponse des pouvoirs publics n’est pas adéquate »62.
25L’effervescence nord-américaine – notamment via Friends of Earth – touche la France dans les années 1960 et les Amis de la Terre s’imposent comme une structure particulièrement dynamique. Les réverbérations transatlantiques (et plus généralement internationales) produisent une double perspective sur l’Amérique, pour les mouvements écologistes naissant en France : il existe, d’une part, une certaine « fascination pour un pays érigé en symbole de la société écologique à venir » et d’autre part « une condamnation des excès de cette même société »63. Pour rendre compte de la diversité des actions militantes, Alexis Vrignon modifie le concept de « répertoire d’action » du sociologue américain Charles Tilly : « […] au cours des années 1960, les protecteurs de la nature, comme d’autres groupes de pression, découvrent l’utilité des pétitions, des réunions publiques ou encore des recours en justice pour faire valoir leur cause »64.
26L’administration française constitue un autre foyer de réflexions environnementales – ici l’aménagement du territoire est le secteur en pointe dans une période économique vouée à la modernité et à la technologie sans limite. Les discours des scientifiques (notamment Jean Rostand, Roger Heim, Jean Dorst) tentent de « mettre en garde l’opinion publique et les décideurs sur la gravité de la situation dans les années 1950 »65.
27Parallèlement à cette cartographie des forces en présence, Alexis Vrignon dresse un inventaire des idées écologistes en situation à l’aube des années 68. Il retient la « critique “personnaliste” du progrès »66 autour, notamment de Jacques Ellul et de Bernard Charbonneau. Sur le spectre politique plus classique, la deuxième gauche émerge en s’emparant notamment des « questions urbaines »67. La réflexion sur la ville et son occupation ouvre un nouveau champ d’investissement politique. En parallèle, le socle idéologique du progrès est fracturé par « [l]es critiques naturistes »68 qui peuvent emprunter une voie réactionnaire. Mais les mouvements de position sont importants, car cette même critique suscite l’intérêt de « certains militants dont la culture politique les positionne a priori à gauche sur l’échiquier politique », ce qui est le cas de « l’association Nature et Progrès »69.
28La candidature de René Dumont aux élections présidentielle de 1974 a constitué un moment de coagulation des forces écologistes en France. Mais cette mise en scène publique d’une proposition écologiste a fait fond sur une série d’actions et de prises de positions très hétérogènes. Ainsi, les « conflits environnementaux »70 (par exemple autour de la centrale nucléaire de Fessenheim) inscrivent l’alerte environnementale dans l’ordre des priorités. Les Amis de la Terre de Paris, association portée par Brice Lalonde, font émerger « un profil de groupe écologique dont les militants gravitent entre la deuxième gauche et les tendances libertaires et qui entend s’appuyer sur des conflits environnementaux particuliers pour en tirer un discours politique global, dans lequel l’écologie légitimerait la recherche d’un changement de société »71.
29La multiplication des supports éditoriaux développant un discours écologique engagé participe également à la structuration politique des défenseurs de l’environnement : Survivre… et vivre, La Gueule Ouverte et Le Sauvage témoignent de la vitalité de l’expression publique écologiste en même temps que d’une association avec la presse mainstream (Le Sauvage paraît grâce au Nouvel Observateur et La Gueule Ouverte est soutenue par les éditions du Square)72.
30Le bouillonnement des idées et des pratiques écologistes militantes est particulièrement puissant au début des années 1970. Alexis Vrignon étudie précisément comment « la candidature de René Dumont » s’est imposée comme « un moyen de résoudre certaines contradictions inhérentes à la nébuleuse [écologiste] et de parvenir à une définition plus opératoire de l’écologisme »73. De façon générale, certains courants de la mouvance écologiste en France participent aux élections locales, mais cette position « est loin de faire consensus […] »74 .
31C’est entre l’Association des Journalistes-Écrivains de la Nature et de l’Environnement (AJEPN) et des Amis de la Terre que l’idée d’une candidature aux élections présidentielle de 1974 prend forme. La proposition est faite à René Dumont qui accepte de se présenter. Alexis Vrignon note, à bon droit, que « [p]our les familiers de la nébuleuse écologiste du début des années 1970, le programme présidentiel de René Dumont ne présente pas d’aspects fondamentalement originaux ». L’enjeu est ailleurs : il s’agit « de politiser l’écologie en affirmant l’importance d’un projet global […] »75.
32Les effets de la candidature de Dumont peuvent paraître paradoxaux : d’abord l’unité du mouvement est mise à mal par « la question du positionnement politique à adopter pour le second tour, ce qui constitue une facette du processus de politisation »76 ; ensuite les partis traditionnels ne peuvent plus négliger la voie écologiste. À gauche, le Parti Socialiste est peu enclin à traiter des questions environnementales ; à droite et au centre, la convergence va passer par un haut fonctionnaire écologiste « bien introduit dans les milieux réformateurs », Philippe Saint-Marc, par ailleurs « très critique à l’égard de la manière dont René Dumont associe l’écologie et la politique […] » 77. Saint‑Marc rédige donc la proposition écologiste de Giscard d’Estaing.
33Globalement, la candidature de Dumont, qui cristallise des initiatives environnementales nombreuses et polymorphes, signale un processus de politisation avancé. En effet, ce sont les contours même de « la nébuleuse écologiste » qui sont travaillés par « l’appropriation concurrente des enjeux environnementaux par les candidats de gauche comme de droite »78.
34La seconde partie de l’ouvrage d’Alexis Vrignon se centre sur la période 1974-1978 et correspond à l’« apogée des écologistes »79. L’élection présidentielle a rendu visible les défenseurs de l’environnement et enclenché une nouvelle phase de politisation. De fait, pendant la campagne, « une cohérence est recherchée entre la société écologique à venir et l’organisation […] [des] mouvements qui se devaient en quelque sorte de la préfigurer »80. La recherche de coalescence traduit d’abord une très grande diversité des approches politiques de l’environnement. Même un groupe comme les Amis de la Terre n’a rien d’unifié dans ses aspirations et ses points d’appuis idéologiques. Le Mouvement écologique (implanté dans l’est) est marqué par un certain « conservatisme écologique »81. Les efforts des uns et des autres pour structurer la nébuleuse écologique achoppent sur le maintien « d’une coordination très lâche des actions ». De fait, une ligne traverse les mouvances écologistes entre, d’une part, « rejet des dispositifs de domination au nom de l’irréductible subjectivité de chacun […], mise en avant des principes autogestionnaires et surtout […] volonté de se construire contre le modèle des partis politiques […] » et, d’autre part, « structuration plus grande de la nébuleuse […] »82.
35Le processus de politisation passe également par une réorganisation du corpus écologiste, en lien avec l’actualisation des alertes environnementales des années 1970. La réflexion intellectuelle sur la façon de considérer politiquement la nature travaille la nébuleuse : il s’agit de repousser l’« approche sociobiologique du monde » comme de se défier d’une emprise « idéologique » qui « prenne le pas sur la matérialité des écosystèmes ». C’est en fait le concret des luttes qui va réassurer le socle conceptuel des mouvements militants. En particulier, la critique du nucléaire structure la pensée écologiste : « […] le nucléaire représente avant tout un danger politique pour la société française dans la mesure où sa généralisation induirait une concentration des pouvoirs entre les mains de quelques individus, menaçant les libertés individuelles et la démocratie dans son ensemble »83.
36De façon plus large encore, l’assise intellectuelle de l’écologisme français repose sur une série de « grands textes visant à récapituler l’ensemble des idées des écologistes » : ainsi « Vers une société écologique aujourd’hui, publié peu avant les législatives de 1978, propose des pistes pour une transformation de la société à long terme, au-delà des impératifs électoraux »84 ; les travaux du philosophe Cornélius Castoriadis innervent également les discussions.
37La variété des approches de l’écologisme politique induit une diversité des pratiques d’intervention. Alexis Vrignon remarque qu’à la fin des années 1970, « les militants ne considèrent pas […] qu’ils appartiennent à un mouvement politique classique : être candidat, occuper un site sur lequel EDF envisage de construire une centrale nucléaire ou organiser une réunion sur l’agrobiologie relèvent, dans leur esprit, d’une même démarche »85. L’implication électorale est ainsi manifeste dans cette période et les « élections législatives de 1978 » sont l’occasion « de mettre en place un collectif organisé – bien qu’en théorie temporaire – […] » tout s’inscrivant dans « un contexte politique nettement moins favorable […] »86. Parallèlement, les mobilisations antinucléaires témoignent d’une autre forme de vitalité politique, même si la mort de Vital Michalon, lors d’une manifestation à Malville, met en tension la logique d’action militante87.
38Dans la troisième partie du livre, Alexis Vrignon détaille les « sorties des années 68 »88, c’est-à-dire « cette courte période de quelques années situées au tournant des années 1970 et 1980 durant laquelle les écologistes sont amenés à redéfinir leur militantisme dans ses pratiques comme dans ses finalités ainsi que leur approche de la politique »89.
39La difficile articulation entre des aspirations environnementales nouvelles et des modes d’action efficaces interroge les acteurs de la nébuleuse de cette période, d’autant qu’une « érosion militante continue »90 affecte le mouvement.
40Le cas des Amis de la Terre est symptomatique d’un repositionnement de la mouvance écologiste par temps de crise. Les débats sont vigoureux au sein de l’association dont certains « animateurs nationaux […] se posent alors en interlocuteurs d’organisations autrement plus puissantes dans le cadre d’une stratégie dite de convergence »91. Sur plusieurs dossiers (le papier recyclé et les énergies renouvelables), les Amis de la Terre « tendent insensiblement à devenir un groupe de pression » ; ils s’imposent également comme « des contre-experts dans le domaine des politiques énergétiques »92.
41La reconfiguration adoptée par les Amis de la Terre n’est pas générale. D’autres structures (comme la Coordination interrégionale des mouvements écologistes) s’engagent dans la voie électorale93 qui aboutit à la création du Mouvement d’écologie politique (MEP). Alexis Vrignon remarque que l’interrogation sur l’efficacité des investissements électoraux marque « une progressive perte de foi dans la capacité des mouvements sociaux à mettre en œuvre une nouvelle forme de changement de société »94.
42Alexis Vrignon clôt son enquête par l’analyse du « temps de l’institutionnalisation » des écologistes. Il interroge notamment leur « unification » dans un projet de « structure pérenne uniquement tournée vers l’action électorale », ce qui, précédemment, « ne suscitait aucun enthousiasme […]95». Les démarches qui mènent à la candidature de Brice Lalande en 1981 mettent en tension le militantisme écologiste. Les oppositions sont fortes entre la démarche des Amis de la Terre et celle du MEP. Le programme électoral du candidat « s’apparente davantage à un bilan de réflexions d’une partie de la nébuleuse qu’à un ensemble de propositions destinées à être discutées telles quelles avec les électeurs »96. Il n’empêche que, malgré le score de 3,88 % à la présidentielle, les clivages n’ont pas disparu. D’autant que la victoire de François Mitterrand et la « reprise du programme nucléaire à l’automne 1981 »97 finissent de consumer les derniers espoirs. L’effort d’unité produit pendant la présidentielle constitue l’amorce d’une unité écologiste ne prenant forme qu’en 1982-1984 avec « la création des “Verts” »98 qui ne résout pas, loin s’en faut, toutes les tensions militantes, comme en témoignent les deux listes écologistes présentes aux élections européennes de 1984.
43L’ouvrage d’Alexis Vrignon propose une analyse fine d’un mouvement lent de coalescence politique. L’écologie française des années 68 s’est constituée dans une nébuleuse dont les différents acteurs investissaient des registres variés d’action : travail militant de conviction, engagement électoral, supports éditoriaux, toutes ces interventions donnent à voir une pratique politique de l’écologie. Si les élections présidentielles jouent un grand rôle dans l’unification du mouvement, les différentes possibilités de l’action politique ne cessent de travailler le corps militant. Le contexte de sortie des années 68 est un défi à l’unité écologiste : la venue de la gauche au pouvoir, l’aspiration à produire une expertise et l’essoufflement de la lutte anti-nucléaire affectent la nébuleuse. La progressive solidification du pari électoral conduit, in fine, à la création des Verts.
Conclusion
44Les ouvrages de Caroline Ford et d’Alexis Vrignon abordent des aspects très variés de l’écologie comme politique. L’historienne américaine dépeint une politisation par le bas, construite à partir de problèmes environnementaux concrets qui obligent à transformer les coordonnées de l’action publique : déforestation, inondation, colonialisme alimentent une inquiétude écologiste. Alexis Vrignon, quant à lui, observe les mouvements coalescents d’une implication électorale pour les défenseurs de l’environnement. Dans les deux cas, c’est l’attention aux répertoires de l’action politique qui permet de saisir le grain fin des processus étudiés. De l’effort de Rauch pour publiciser les effets de la déforestation aux logiques réformatrices des parcs végétalisés de la Capitale dans les années 1930, ce sont des logiques d’information et d’enrôlement des forces politiques qui sont à l’œuvre. Dans le cas de la nébuleuse écologiste des années 1968, la diaprure des interventions militantes est impressionnante – et joue en partie contre l’unification.
45Au terme de ces quatre notes historiographiques, quelques points d’appuis des mouvements actuels de reconfiguration des manières de faire de l’histoire de l’environnement peuvent être soulignés. D’abord, l’attention à la découpe des objets permet de densifier l’effort de conceptualisation dans le cours même de l’enquête. Ensuite, l’interrogation sur le recours à l’Anthropocène comme catégorie de l’entendement historien est légitime, en ce que la massivité de la notion risque d’écraser des configurations complexes. Et c’est bien la prise en compte de la multifactorialité des situations environnementales qui ouvre la voie à une description dense des grandes affections climatiques et épidémiques (comme dans le cas de l’Empire romain) ainsi qu’à une récapitulation de la longue histoire des processus de pollution. Enfin, comme on vient de le voir, l’attention aux répertoires d’action permet de repérer des pratiques politiques environnementales d’une grande variété.
46L’heureuse vitalité de l’histoire environnementale actuelle tient, pour une bonne part, à la diversité des cadres d’analyse convoqués, ainsi qu’à la multiplicité des angles de vue mobilisés. Les quelques exemples explorés dans ces quatre notes ne sont qu’un mince aperçu d’un champ de recherche diversifiant ses objets comme ses problématiques.
Notes
1 Jean-Paul Deléage, Histoire de l’écologie. Une science de l’homme et de la nature, Paris, La Découverte, 1991, p. 6.
2 Grégory Quenet, « Écologie politique (mouvements) », dans Dominique Bourg, Alain Papaux (dir.), Dictionnaire de la pensée écologique, Paris, Presses Universitaires de France, 2015, p. 338.
3 Ibid., p. 337.
4 Daniel Boy, « L’écologie, une nouvelle culture politique ? », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 44, 1994, p. 45-50.
5 Stéphane Frioux, Vincent Lemire, « Pour une histoire politique de l’environnement au 20e siècle », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 113, 2012, p. 3.
6 Caroline Ford, Naissance de l’écologie. Polémiques françaises sur l’environnement, 1800-1930, Paris, Alma, 2018.
7 Caroline Ford, Natural Interests. The Contest Over Environment in Modern France, Cambridge, Harvard University Press, 2018.
8 Alexis Vrignon, La naissance de l’écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 68, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017.
9 Caroline Ford, Naissance de l’écologie…, op. cit., p. 12.
10 Ibid., p. 13.
11 Ibid., p. 14.
12 Ibid., p. 22.
13 Ibid., p. 31.
14 Raphaël Larrère, L’« Harmonie hydrovégétale et météorologique », ou L’utopie forestière de F.A. Rauch, Rungis, Laboratoire de recherches et d’études sur l’économie, 1985.
15 Jean-Baptiste Fressoz, Fabien Locher, « Régénérer la nature, restaurer les climats : François-Antoine Rauch et les Annales Européennes de physique végétale et d’économie publique, 1815-1830 », Le Temps des Médias, n° 25, 2015, p. 52-69.
16 Caroline Ford, Naissance de l’écologie…, op. cit., p. 34.
17 Ibid., p. 35.
18 Ibid., p. 67.
19 Ibid., p. 68.
20 Ibid., p. 77.
21 Ibid., p. 78.
22 Ibid., p. 85.
23 Ibid., p. 88.
24 Ibid., p. 94.
25 Ibid., p. 98.
26 Ibid., p. 105.
27 Ibid., p. 114.
28 Ibid., p. 115.
29 Ibid., p. 143.
30 Ibid., p. 144.
31 Ibid., p. 147.
32 Ibid., p. 163.
33 Ibid., p. 172.
34 Ibid., p. 177.
35 Ibid., p. 180.
36 Ibid., p. 182.
37 Ibid., p. 187.
38 Ibid., p. 188.
39 Ibid., p. 205.
40 Ibid., p. 219.
41 Ibid., p. 222.
42 Ibid., p. 223.
43 Ibid., p. 236-237.
44 Ibid., p. 245.
45 Ibid., p. 250.
46 Ibid., p. 260.
47 Ibid., p. 264.
48 Ibid., p. 265.
49 Ibid., p. 269.
50 Ibid., p. 270.
51 Ibid., p. 280.
52 Ibid., p. 285. Voir Michael Bess, La France vert clair. Écologie et modernité technologique (1960-2000), Seyssel, Champ Vallon, 2011.
53 Ibid., p. 286.
54 Ibid., p. 288.
55 Alexis Vrignon, La naissance de l’écologie politique en France…, op. cit., p. 18.
56 Ibid., p. 11.
57 Ibid., p. 13.
58 Ibid., p. 14.
59 Ibid., p. 15.
60 Ibid., p. 16.
61 Ibid., p. 21.
62 Ibid., p. 25.
63 Ibid., p. 34.
64 Ibid., p. 44.
65 Ibid., p. 41.
66 Ibid., p. 49.
67 Ibid., p. 53.
68 Ibid., p. 60.
69 Ibid., p. 65.
70 Ibid., p. 76
71 Ibid., p. 83.
72 Ibid., p. 101.
73 Ibid., p. 102.
74 Ibid., p. 114.
75 Ibid., p. 124.
76 Ibid., p. 127.
77 Ibid., p. 129.
78 Ibid., p. 130.
79 Ibid., p. 133.
80 Ibid., p. 137.
81 Ibid., p. 141.
82 Ibid., p. 152.
83 Ibid., p. 162.
84 Ibid., p. 176.
85 Ibid., p. 181.
86 Ibid., p. 202.
87 En juillet 1977, lors d’une manifestation contre la construction d’une centrale nucléaire Superphénix à Creys-Malville, dans l’Isère, Vital Michalon, enseignant, est tué par l’explosion d’une grenade. Voir : Aujourd’hui Malville, demain la France, Claix, La Pensée Sauvage, 1978.
88 Alexis Vrignon, La naissance de l’écologie politique en France…, op. cit, p. 221.
89 Ibid., p. 227.
90 Ibid., p. 231.
91 Ibid., p. 233.
92 Ibid., p. 245.
93 Ibid., p. 246.
94 Ibid., p. 260.
95 Ibid., p. 261.
96 Ibid., p. 276.
97 Ibid., p. 289.
98 Ibid., p. 294.
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