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Médias traditionnels et nouveaux comme vecteurs de savoir : questionner la place des historiens dans les productions d'histoire populaire
Par Olivier Davenel
Publication en ligne le 30 janvier 2023
Résumé
While French people's interest for history is regularly demonstrated by various surveys, the appearance of new mass medias, such as YouTube or video games, has made it possible to expand the offer of “popular” historical content as told in United States’analyses. Many productions today use history for a playful or educational purpose. First, this article questions the historicity of these documentaries, films, video games or YouTube videos which convey historical information. Secondly, the objective is to understand how the progressive fade of academic historians from popular channels which diffuse history has isolated them from the public. For the latter, it has even made them lose a great deal of legitimacy. The practitioners of popular history have benefited of this academic historians' loss of legitimacy, whereas they are often criticized for their historical errors. Indeed, this lack of methodology is even one of the reason which has motivated the creation of a “history of facts”, methodical history at the university in the XIXth century. The idea expressed in this article is for a long time important in many historians’ analysis in Quebec : this idea is that public history could be the bridge between the academic and the popular. The formation and employment of public historians could guarantee for the public to be in contact with a history which avoids historical errors, cultural misconceptions, or even the misuse of history.
Alors que l'intérêt des Français pour l'histoire est régulièrement démontré par diverses enquêtes, l'apparition de nouveaux médias de masse, tels que YouTube ou les jeux vidéo, a permis d'étoffer cette offre de contenus historiques à destination du grand public que nous qualifions dans cet article, reprenant l’expression des anglophones, de « populaire ». De nombreuses productions mobilisent aujourd'hui l'histoire dans un but ludique ou éducatif. Dans un premier temps, cet article questionne la valeur historique de ces documentaires, films, jeux vidéo ou vidéos YouTube qui véhiculent des informations historiques. Dans un second temps, l'objectif est de comprendre comment l'effacement des historiens universitaires des canaux populaires de diffusion de l'histoire les a peu à peu isolés du grand public et ce jusqu'à leur faire perdre, pour ce dernier, une grande part de légitimité. Cette perte de légitimité s'est faite au profit des praticiens d’une « histoire populaire », alors même que ceux-ci sont régulièrement critiqués pour leurs erreurs historiques. La situation retrouve en partie celle du XIXe siècle quand le manque de méthode de l'histoire populaire a motivé la création d'une « histoire des faits », puis « histoire méthodique », à l'université au XIXe siècle. L'idée proposée dans cet article doit beaucoup aux réflexions développées depuis longtemps en Amérique du Nord : elle est que l’« histoire publique » pourrait être le pont entre l'académique et le populaire. La formation et l'emploi d'historiens publics permettraient alors de garantir que le grand public soit au contact d'une histoire qui évite à la fois les erreurs historiques ou culturelles, mais également les usages détournés de l'histoire.
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Table des matières
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Médias traditionnels et nouveaux comme vecteurs de savoir : questionner la place des historiens dans les productions d'histoire populaire (version PDF) (application/pdf – 1,2M)
Texte intégral
L'histoire se fera encore longtemps par les médias et les historiens ne peuvent bouder ou ignorer ce vecteur de connaissance. […] Nous pouvons bien sûr nous opposer à ce genre de consommation, mais en même temps être certains que, de toute manière, ces productions seront faites et diffusées sans notre collaboration1.
1En 2003, l'historien canadien et ancien président de la Société historique du Canada, Jean-Claude Robert, fait preuve d'une certaine perspicacité à l'aube de l'émergence de nouveaux médias dans la sphère historique. En effet, les dernières décennies ont vu de nouveaux médias apparaître et s'imposer comme de véritables vecteurs de savoir. Du jeu vidéo, objet ludique ayant acquis des propriétés de potentiel médium historique, à YouTube, où la vulgarisation, a fortiori de l'histoire, est devenue l'une des offres phare, ces nouveaux objets de diffusion ont rejoint la presse écrite, la télévision, le cinéma ou encore la radio au rang des médias de masse. Le développement exponentiel de ces pratiques de l'histoire impose aujourd'hui de s'interroger sur la place de l'historien dans cette effervescence de productions à succès. Si l'histoire académique et l'histoire que nous qualifierons de « populaire » feront l'objet d'une étude plus détaillée, il est important de noter que la notion d'« histoire populaire » en français est ambivalente. En effet, comme Emilien Ruiz le détaille dans son étude2 de deux corpus d'ouvrages et de textes parus depuis le XIXe siècle comprenant la notion d’« histoire populaire », cette expression a été très employée à diverses périodes et à différents desseins, avec un versant qui est la volonté de raconter l'histoire des peuples, au sens social du terme, de faire « une histoire vue d’en bas ». Ce courant a connu un renouveau depuis une vingtaine d’années comme l’attestent les titres d’ouvrages comme ceux de Howard Zinn aux États-Unis, puis de Michelle Zancarini-Fournel ou de Gérard Noiriel en France3. Mais cet article s'intéressera principalement à l’autre versant, l'histoire populaire telle qu’elle a pris forme au XIXe siècle, ce que Emilien Ruiz appelle l'histoire pour le peuple, ou la « popularisation de l'histoire », d'après le terme préféré par Camille Flammarion à celui de vulgarisation4. Il semble en effet adéquat de conserver cette notion d’« histoire populaire » pour les productions liées aux médias actuels qui s'apparentent aux évolutions de ce « phénomène éditorial du XIXe siècle5 ». Aujourd’hui les nouveaux médias sont de réels vecteurs d'informations pour un large public, que cela soit par volonté de transmissions de connaissances ou de place dans le marché de la culture populaire. Pour préciser autrement les notions d'« académique » et de « populaire », on peut dire que les productions académiques sont réalisées par des spécialistes d'un domaine de recherche à destination d'autres spécialistes de ce domaine. À l'inverse, le « populaire » renvoie à tout ce qui est à destination du grand public, de non spécialistes, avec une visée de divertissement. Les livres, articles, films, documentaires, vidéos ou jeux vidéo peuvent donc être qualifiés de canaux de diffusion populaires dès lors que le grand public, c'est à dire la population dans son ensemble, en est le destinataire. Si l'on note de légères variations dans la relation à l'histoire selon les catégories socio-professionnelles ou les diplômes6, celles-ci ne semblent actuellement pas déterminantes dans les réflexions quant à la place des historiens dans les productions populaires historiques. Néanmoins, de futures études liant les habitudes d'information ou d'apprentissage en histoire de différents groupes selon des critères de différenciation précis pourraient peut-être permettre d'apporter des réponses plus précises aux questionnements sur l'utilisation de l'histoire dans les différents médias.
2Penser la place de l'historien dans la société demande de questionner deux pratiques de l'histoire que l'on a longtemps considérées comme opposées l'une à l'autre. Pourtant, l'histoire de l'université, et l'histoire populaire, diffusée à grande échelle, sont-elles réellement dissociables ? Dans une société aussi médiatisée que la nôtre, où la désinformation se propage nettement plus rapidement que l'information, et est donc beaucoup plus consultée, les historiens peuvent-ils se permettre de rester en retrait ? Comment les informations historiques sont-elles traitées au sein des différentes productions populaires, qu'elles le soient par des producteurs de jeux vidéo, de documentaires, ou bien par des youtubeurs ? Si des historiens académiques participent régulièrement à ces productions populaires, ont-ils les moyens d'être à eux seuls les garants de leur discipline, avec les pré-requis de médiation que cela nécessite ? Si non, qui serait en mesure de remplir cette fonction7 ?
L'émergence de nouveaux médias
3Au cours des dernières décennies, les médias traditionnels ont considérablement évolué, dans leur accessibilité notamment. Les plateformes de streaming donnent un accès particulier aux films, séries et documentaires, les chaînes de télévision proposent de plus en plus de replays en ligne et les podcasts rencontrent un succès considérable en France. De nouveaux médias s'ajoutent à ces derniers plus traditionnels : les jeux vidéo et YouTube.
4À partir des années 1960, les jeux vidéo rejoignent la forte production artistique liée à la science-fiction et une fois que « le public commence à se lasser des multiples copies ou jeux inspirés de Space Invaders et de Space Wars8 », les développeurs se tournent vers un thème qui devient récurrent, l'histoire. En effet, « le passé et ses références communes renforcent le réalisme d'un jeu, et donc son potentiel commercial9 ». Très vite, des premières polémiques historiques ou idéologiques se cristallisent qui, pour Julien Lalu, sont le signe que le jeu vidéo passe « d'un simple jeu d'adresse à un médium porteur de messages et de valeurs10 ». C'est à la fin des années 1990 et au début des années 2000 que les universitaires, dont les historiens, commencent à s'intéresser à ce milieu. En effet, « le jeu vidéo est une production culturelle et, à ce titre, il dépend d'un imaginaire collectif en prise avec les réalités idéologiques de son temps11 ». Un important travail, toujours en cours, est accompli dans le but de comprendre l'impact du jeu vidéo historique comme médium dans des contextes éducatif et privé.
5En parallèle, l'arrivée d'Internet et, surtout, du haut-débit révolutionne le partage de vidéos en ligne. La création de YouTube, qui supplante tous les autres hébergeurs créés au cours de la même période, atteint un niveau de stabilité important et domine le marché de l'hébergement de vidéos aujourd'hui. Parmi ces dernières, un genre apparaît au début des années 2010 en France : les vidéos de vulgarisation scientifique, dont font partie dès 2014 les premiers vulgarisateurs historiques. Plusieurs travaux importants de recensement sont effectués depuis 2018 par Mathilde Hutin12, Tania Louis13 ou encore Stéphane Debove14 pour appréhender le nombre de vulgarisateurs sur la plateforme et leurs disciplines. Dans un rapport d'étude de grande ampleur réalisé en 2021 et portant sur 622 chaînes YouTube scientifiques francophones sélectionnées, près de 71 000 vidéos de vulgarisation scientifique et les réponses de 180 de leurs diffuseurs à un questionnaire ont été analysées. Au terme de leur étude, les chercheurs notent une prévalence de l'histoire, puisque 30 % des chaînes de vulgarisation scientifique, hors chaînes d'institutions, lui seraient dédiées, suivie à 21 % par la physique et à 20 % par la biologie15.
6Ainsi, les nouveaux médias se sont développés très rapidement depuis les années 2000 et ont ouvert la porte à une diffusion de l'information et de la connaissance hors des canaux traditionnels. Une partie non négligeable de cette diffusion porte sur l'histoire car le passé est aujourd'hui un sujet porteur qui semble de plus en plus accessible au grand public, avec la démultiplication des médias et des créateurs. Si ces formes d'histoire populaire, nouvelles, s'octroient une place de plus en plus importante dans les pratiques de consommation du grand public, elles méritent alors d'être questionnées.
Questionnements sur certaines pratiques d'histoire populaire
7Fort heureusement, une très grande partie de l'histoire populaire diffusée sur les médias évoqués précédemment est de qualité, alimentée par des chercheurs qui diffusent aussi dans la société par d’autres canaux, ou des passionnés qui font des recherches sérieuses. Ces derniers s'entourent même parfois d'historiens, comme le fait Benjamin Brillaud de la chaîne Nota Bene qui a créé un groupe Facebook regroupant des vulgarisateurs historiques et des historiens qui peuvent relire les scripts et apporter des précisions ou corrections16. Toutefois, une part non négligeable de cette production populaire mérite d'être questionnée, notamment sur sa fiabilité historique.
8Si les documentaires et les livres historiques sont généralement considérés comme des ressources parmi les plus dignes de confiance, caractérisés, par exemple, dans une enquête Harris Interactive comme des sources traditionnelles17, cela ne veut pas dire qu'ils sont pour autant exempts de défauts. Il n'est pas rare de rencontrer des documentaires, ou des émissions de télévision comprenant des erreurs historiques. L'émission Secrets d'Histoire diffusée sur France Télévision et animée par Stéphane Bern est un exemple de programme télévisuel à succès qui, même réalisé avec des équipes importantes, peut comporter des erreurs d'une part, mais aussi des biais culturels ou idéologiques pouvant mener à des contre-sens historiques. Si ces questionnements existent vis-à-vis d'une émission aussi importante en termes de moyens que Secrets d'Histoire, alors ils sont démultipliés sur YouTube, plateforme sur laquelle une personne peut devenir une chaîne de télévision à elle seule.
9Certes, Stéphane Bern peut se targuer d'intéresser bon nombre de téléspectateurs à l'histoire, mais il lui est souvent reproché de promouvoir avant tout une histoire des élites. Ainsi, en 2015, Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon ont mis en évidence que « plus de 60 [des épisodes] sont consacrés à des monarques et leurs favorites18 » et que « seulement 5 émissions, soit 6 % (!) de la totalité, ont été consacrées à des personnalités ou des lieux liés à la République19 ». C'est une critique que confirme Fabrice d'Almeida, historien des médias, qui a été consultant pendant deux ans pour Secrets d'Histoire20.
10Un groupe d'enseignants aimaient à faire remarquer les approximations de l'émission avec leur « Bingo Bern » comprenant des cases spécifiques à remplir lors de chaque diffusion d'un nouvel épisode, allant du cliché historique à l'anachronisme, en passant par le sexisme21. Si France Télévision se défend des accusations qui peuvent peser sur Secrets d'Histoire22, le problème est récurrent puisqu'en 2019, l'émission Laissez-vous guider était présentée par Stéphane Bern et Lorànt Deutsch, deux personnalités passionnées d'histoire, certes, mais aussi ouvertement royalistes. Le deuxième épisode déroule l'histoire de la Révolution française avec un cruel manque de chronologie et de mise en contexte mêlant comparaisons entre actualité et Révolution, oublis importants d'évènements déclencheurs de l'insurrection, et autres raccourcis. Thibault Le Héragat le précisait avant même la diffusion de l'émission : « on craint des jugements de valeurs, une histoire orientée23 ».
11Néanmoins, l'un des principaux enjeux ici n'est pas idéologique. Si Stéphane Bern anime ce type d'émissions, c'est sans nul doute parce que le sujet l'intéresse vraiment, et si France Télévision continue de les produire, c'est aussi parce qu'elles présentent un grand succès et, donc, un intérêt économique. Comme le rappelle Jean-Christophe Piot, « le problème ici n'est pas que les présentateurs aient des convictions monarchistes, c'est leur droit, mais que France 2 prenne deux monarchistes assumés pour aborder un sujet aussi complexe que la Révolution24 ».
12Dans l'entretien déjà évoqué, donné en 2017, Fabrice d'Almeida parle de la figure de Deutsch qui, pour un éditeur, est synonyme de ventes de livres25, ou de téléspectateurs pour un producteur. Pierre Féry, des éditions Michel Lafon, dit de lui qu'il « est authentique, sincère et passionné. C'est un conteur ; sa voix, sa façon de raconter diffusent une passion perceptible de l'Histoire et le grand public apprécie cela26 ». La maison d'édition se targue de publier « un livre qui rend l'Histoire accessible à tout un chacun, c'est plutôt vertueux27 ». Ainsi, Stéphane Bern et Lorànt Deutsch sont populaires, « ils jouent sur l'émerveillement28 », même si l'histoire qu'ils présentent est régulièrement l’objet de critiques.
13Surtout, une question se pose : que doit-on penser lorsque Lorànt Deutsch est invité à venir faire une conférence sur l'histoire de France auprès de collégiens à Trappes ? L'institution historienne n'assiste-t-elle pas à une incohérence à laquelle elle se doit de réagir ? Deux enseignants de Trappes se sont d'ailleurs insurgés et ont refusé catégoriquement de se rendre à cet événement, dénonçant une volonté de faire venir Deutsch dans des collèges dont les élèves sont issus de quartiers populaires avec un projet de « faire aimer la France et la République, et [dont] le seul moyen pour y parvenir serait de les divertir et les émouvoir dans une Histoire de France présentée sous la forme d'un roman national29 ». Que cela ait été l'objectif initial ou non, une telle initiative cautionnée par des instances de l'Éducation nationale ne doit-elle pas être remise en question ? D'une part, quel message est envoyé à ces professeurs d'histoire qui sont sur le terrain tous les jours ? À ceux qui font face à des manques de moyens et à des effectifs qui augmentent, réduisant presque inévitablement la qualité d'apprentissage et d'enseignement, l'aide apportée est ici l'appel à un conteur controversé pour raconter une histoire de France romancée. D'autre part, si ce genre d'initiatives est pris, pourquoi les invitations ne concernent-elles pas des historiens-chercheurs ? Dans le cadre d'un travail réalisé en commun avec les enseignants qui pourraient préparer cette intervention, une rencontre hors de la salle de classe pourrait alors être bénéfique, sans doute plus qu'une conférence imposée et intrusive.
14Ainsi, il apparaît que ce sont bien les historiens populaires qui détiennent une grande part de la légitimité historique dans la société, ce sont eux que le grand public écoute dans les médias et ce sont eux dont les Français achètent les livres car, comme Guillaume Lancereau le fait remarquer après avoir rappelé la troisième place de l'histoire dans les genres littéraires lus en France, on peut « se demander quelle sorte d'histoire conquiert ainsi les faveurs du public, dès lors que l'édition universitaire en sciences humaines connaît une augmentation des titres, mais une baisse constante des tirages30 ». Pour autant, les historiens et historiennes ne sont pas absents des nouveaux vecteurs de diffusion et ils prennent régulièrement part à des productions d'histoire populaire.
Les historiens universitaires dans les productions d'histoire populaire actuelles
15Quel est le rôle des historiens professionnels lorsqu'ils s'engagent à apporter leur expertise dans des productions d'histoire populaire ? Certains développeurs de jeux vidéo font appel à eux, bien que ce ne soit pas la norme d'employer à plein temps un professionnel de la recherche et de la collecte d'information. Dans un entretien, Alexandre Lafon transpose pour le milieu vidéoludique les propos de l'historien Marc Ferro qui évoquait, en 1994, les cinéastes qui, soit garantissent par des historiens « postiches » la légitimité de leur film ou documentaire, soit vont faire leurs recherches en autonomie31. Alexandre Lafon, s'il rejoint Ferro, précise que l'historien « postiche » a tout de même un vrai rôle dans ces productions en termes de conformité. Il s'assure autant que possible que le soldat français de la Seconde guerre mondiale ne porte pas l'uniforme de celui de 1914-18. En revanche, il explique que beaucoup d'historiens « se sont portés cautions de films documentaires ou de films de cinéma dans lesquels ils ne se sont pas retrouvés32 » parce que « l'on coupe l'historien, ou qu'on évite toutes les nuances qu'il peut apporter, les discours stéréotypés étant les plus faciles à absorber par le grand public33 ». C'est le cas, par exemple, d'Antoine Resche, qui témoigne à propos de ses expériences d'intervention en documentaire, qu'il a
regretté, dans chacun des cas, de ne pas avoir été sollicité lors des phases de pré-production : les équipes s'étaient manifestement documentées, et c'est durant ce temps-là […] que des experts seraient pertinents pour les faire sortir des sentiers battus et les emmener dans des directions inédites, bien plus qu'en intervenant alors que la narration est déjà pensée et calée dans les têtes34.
16À propos de Secrets d'Histoire, Fabrice d'Almeida dit que « Stéphane Bern peut et sait s'entourer d'experts universitaires […] mais son propos n'est en aucun cas d'être un pur relais de la recherche universitaire. Les historiens font de la figuration active : ils sont de bons seconds rôles35 ». Être surtout utilisé comme caution scientifique, c'est ce qu'a ressenti Resche lors d'un tournage de documentaire36. Il explique :
[…] si les interviews sont menées de bonne foi par des gens qui, souvent, ont pris la peine de bien étudier le sujet, elles n'ont dans les faits pas grand intérêt à part pour varier le montage et donner une caution au propos. En fait, rien de ce que j'ai dit n'aurait pu l'être – et sûrement avec plus d'aisance – par une voix off37 .
17De la même manière, dans de nombreuses productions de jeux vidéo historiques, des historiens ont été recrutés, parfois le jeu presque terminé, pour venir vérifier, donner leur avis, apporter des précisions sur la partie historique du jeu. C'est le cas de Laurent Turcot et Jean-Clément Martin qui ont rejoint les développeurs d'Ubisoft en tant que consultants historiques sur le jeu Assassin's Creed Unity, où Laurent Turcot aurait vu « son expertise sur certains détails du jeu […] pas forcément prise en considération par les développeurs qui ont privilégié l'immersion au détriment de la réalité historique38 ».
18Pourquoi des historiens continuent-ils de participer à ce type de productions ? On peut supposer que même s'ils ont conscience que cela risque d'être frustrant et qu'ils ne pourront pas tout contrôler, une partie de leur motivation vient du fait qu'ils préfèrent être présents pour réduire les erreurs qui pourraient s'immiscer si aucun historien n'était consulté. D'autres productions ont recruté un historien à temps plein à l'instar des studios Amplitude qui se sont offerts les services de Benoît Humbert qui décrit lui-même son rôle dans le développement de Humankind, jeu de gestion d'une civilisation :
[…] garantir l'historicité des différents éléments du jeu avec lesquels le joueur va pouvoir composer. L'idée n'est pas de reconstituer l'histoire telle qu'elle s'est déroulée, ce n'est pas une simulation historique à proprement parler, mais de disposer de briques historiquement fiables, qui vont servir au joueur pour bâtir sa propre histoire39.
19Néanmoins, il faut actuellement que la production soit importante pour se permettre d'avoir un historien à part entière dans l'équipe de développement, et qu'elle mette un point d'honneur à l'historicité de son jeu.
20Parmi les studios aux moyens importants se trouve Ubisoft qui compte notamment parmi ses équipes un historien public, Maxime Durand, évoluant au sein d'une équipe éditoriale composée d'Inspirational Content Advisors, chargés d'aider les développeurs avec des éléments d'inspiration pour leurs jeux vidéo. Il y a donc, à l'origine, une réelle volonté d'être précis historiquement. Pourtant, Maxime Durand précise lui-même, dans la lignée de la justification officielle d'Ubisoft40 qu'Assassin's Creed n'a pas pour objectif d'être une leçon d'histoire :
C'est une œuvre qui est inspirée par l'histoire, mais c'est une œuvre de fiction également. La réalité, c'est qu'on s'inspire, on va aller chercher beaucoup d'informations, et puis après, on transgresse c'est vrai. On transgresse par liberté artistique […]41.
21On retrouve une forte tendance chez certains producteurs de contenu d'histoire populaire, comme Ubisoft, à restreindre l'historicité, même quand il semble possible de la respecter. Antoine Vimal du Monteil, un des producteurs d'Assassin's Creed Unity, jeu qui se déroule pendant la période de la Révolution française et qui a été sujet à polémiques en France à sa sortie en 2014, déclarait lui-même qu’« Assassin's Creed est un jeu grand public, pas une leçon d'histoire : on sait que ce sont des anachronismes [le drapeau tricolore adopté en 1794 flottant sur Paris en 1791] et on accepte de faire des compromis42 ». N'y a-t-il pas une forme d'hypocrisie, ou au moins de dissonance dans la position tenue par Ubisoft ? La franchise la plus importante de l'entreprise est entièrement basée sur la représentation de l'histoire. Son marketing est centré sur le fait d'évoluer dans le passé, et a pour slogan « L'histoire est notre terrain de jeu ». De nombreux articles de journaux, ou des pages d’Internet, détaillent les pratiques d'appréhension de l'histoire des développeurs à l'aide de voyages et d'expériences dans le but de recréer des simulations de périodes passées pour « qu'il n'y ait pas de doute pour le joueur quant à son degré d'immersion, qu'il dise “là j'y suis, je suis au IXe siècle dans le nord-est de l'Angleterre43 ». Cependant, dès que la moindre critique est émise à l'encontre du jeu, Ubisoft rappelle que celui-ci n'est « pas une leçon d'histoire ». Cela enlève-t-il réellement toute responsabilité au studio de développement quant aux erreurs qu'il diffuse dans son jeu ?
22Pourtant, Ubisoft s'est aussi intéressé au développement de jeux, aux succès, certes, moins marqués, mais à la précision historique plus attendue comme Soldats Inconnus : Mémoire de la Grande Guerre, supervisé par Alexandre Lafon44. Ce projet, qui a pour ambition initiale de lier l'éducatif et le ludique, montre qu'il existe des exemples prometteurs de collaboration entre historiens et développeurs, et que les manques de précision historique ne sont pas inéluctables malgré les biais culturels, idéologiques, pédagogiques ou économiques qui entravent les démarches vers plus d'historicité.
Histoire académique et histoire populaire à jamais opposées ?
23Si aujourd'hui, ce sont les praticiens de l'histoire académique qui sont chargés de la recherche sur le passé et, de par leur méthodologie de recherche, d'écriture et de mobilisation des sources, assurent la crédibilité scientifique, il faut rappeler que l'histoire en tant que science est en réalité assez récente. On peut faire remonter cette histoire au prussien Léopold von Ranke dans les années 1820. Ce dernier désapprouve que Walter Scott, alors auteur de littérature historique à succès, « ait consciemment créé des portraits historiques qui « semblaient même dans leurs détails particuliers, être complètement contradictoires avec les preuves historiques45 ». L'idée d'une « histoire des faits », qui « consiste en un corpus de faits constatés46 », se développe alors. Si comme le rappelle Edward Carr, plusieurs conceptions s'affrontent à l'aube du XXe siècle sur le droit à l'interprétation de la part des historiens, certains comme John Dalbert-Acton désirent une histoire la plus neutre possible comme il l'explique à ses homologues :
« notre Waterloo doit en être un qui satisfasse autant Français, Anglais, Allemands que Néerlandais ; que personne ne puisse dire, sans examiner la liste des auteurs, où l'évêque d'Oxford a déposé la plume et qui de Fairbairn ou Gasquet, Liebermann ou Harrison l'a reprise47 ».
24Ce modèle rencontre néanmoins de nombreux détracteurs tel l'historien populaire Macaulay qui défend sa pratique en rappelant l'importance, selon lui, d'écrire avec un style attrayant et où « par des sélections, rejets et arrangements judicieux, il [l'historien populaire] donne à la vérité ces attraits usurpés par la fiction48 ». Un écart entre les deux pratiques se creuse, puisqu'au c’est cours du même XIXe siècle que les productions populaires sont à leur apogée en termes de succès49, et que pourtant les « historiens des faits » comme Gabriel Monod, Paul Lacombe, Charles Seignobos ou Marc Bloch, qui écrivent alors l'histoire, ne mentionnent pas cette histoire populaire foisonnante50.
25Aujourd'hui, si des débats ont toujours lieu, les questionnements se portent notamment autour du « pro-am, le professionnel-amateur qui est parvenu à se réapproprier des sphères de l'activité sociale traditionnellement dévolues aux professionnels telles que l'art, la science ou la politique51 ». La figure de l'expert qui, renvoyant traditionnellement à un spécialiste d'un sujet reconnu par ses pairs, « semble être remise en question par les experts non professionnels ou non accrédités présents sur le réseau. L'ethos de l'expert semble en effet ne plus s'ériger uniquement sur des critères académiques, tels que le parcours universitaire ou professionnel52 ». Des émissions de Jamy Gourmaud dans C'est pas sorcier aux vidéos YouTube pouvant être produites par tout un chacun, l'idée d'une modification de la représentation de l'expert ne cesse de s'intensifier, à mesure que l'offre devient massive. Pourtant, cette offre d'envergure continue d'être généralement dévaluée par une grande partie des universitaires. Comme le rappelle Ann Curthoys, il est difficile pour quelqu'un formé à l'université de lire un ouvrage historique où les sources, arguments et explications n'ont pas de renvois, sans se demander si ce qu'on lit relève de la réalité historique ou d'une représentation romancée de l'histoire53.
26Néanmoins, alors qu'elle tend à la payer aujourd'hui en voyant le fruit de ses recherches régulièrement déformé dans la sphère publique, l'erreur de l'histoire académique n'a-t-elle pas justement été de se développer principalement au sein des universités, en jugeant négativement l'histoire populaire pour ses manques de sources et de méthodologie, plutôt que de chercher un compromis ? En effet, bon nombre des tenants de l'histoire populaire émettent aussi des critiques envers l'histoire académique. Ils lui attribuent notamment une image de discipline repliée sur elle-même, au caractère compétitif, et un élitisme qui la rendent difficile à comprendre pour le non formé54. Avec l'apparition d'Internet, de nombreux membres d'institutions académiques se rendent compte de la nécessité pour eux de penser les sciences hors de leur cadre universitaire à l'instar de Margaret Conrad, alors présidente de la société historique du Canada (SHC), qui a peur que dans l'état des choses au moment où elle s'exprime en 2007, la valeur même de la SHC ne soit remise en question. Elle plaide pour la création d'un organisme réunissant historiens universitaires et publics en déclarant que « si nous [les historiens de la SHC] faisons un bon travail, notre organisme évoluera presque inévitablement de manière bouleversante, mais si nous ne tenons pas compte de la révolution en cours dans le domaine du savoir, dont le symbole est Internet, nous risquons de ne plus être pertinents55 ». Il semble que l'histoire académique doive définitivement sortir de cet entre-soi, sous peine que les raisons de sa création ne deviennent aussi les raisons de sa dévaluation.
L'histoire académique à un tournant ?
27Les historiennes et historiens peuvent-ils diffuser directement leur travail auprès du grand public ? Si certains le font, ce n'est pas sans un certain risque car, pour le professeur canadien Jean-Claude Robert, « dans le milieu des historiens, les entreprises de vulgarisation sont souvent dévaluées, considérées comme des activités de second niveau. D'une part, elles lui prennent un temps précieux et, d'autre part, elles risquent de l'entraîner dans des controverses56 ». L’historien québécois Jacques Rouillard considère que le modèle académique dans son essence pousse les chercheurs à briguer du prestige auprès de leurs pairs, cela ne passant pas par un travail de diffusion, mais bien par la publication d'articles scientifiques, et si possible à l'étranger, permettant d'atteindre un rayonnement international. Pour Jacques Rouillard, c'est un fait assez récent et c'est « tout le modèle universitaire de promotion et de subvention [qui] les pousse dans ce sens57 ».
28Pourtant, sans prendre part à la diffusion, les historiens académiques n'ont pas d'autre pouvoir que celui de dénoncer les erreurs historiques présentes dans les productions populaires, une fois celles-ci sorties et déjà consommées par une partie du public. Pour Valérie Hannin, la rédactrice en chef du magazine de vulgarisation L'Histoire, l'histoire académique est aujourd'hui en proie, malgré sa souveraineté scientifique et méthodologique en histoire, à un changement de conception. Alors qu'elle a longtemps boudé l'histoire populaire pour son manque de rigueur, « l'histoire académique est aujourd'hui attaquée sur plusieurs fronts : elle doute d'elle-même, de ses fondements et de son utilité […], elle est souvent jugée ennuyeuse58 ». Selon elle, l'histoire académique s'est rendu compte de son manque d'actualisation concernant les façons actuelles de consommer de l'information et de la connaissance, et est désormais en position inférieure face à l'histoire populaire. Scott Metzger et Richard Paxton expliquent :
[…] une importante motivation pour leur travail [sur ce que les jeux vidéos enseignent à propos du passé] est la possibilité distincte qu'une grande partie de ce que les étudiants “savent” aujourd'hui sur le passé puisse provenir non pas des enseignants, des manuels, ou des tests mais des médias de pop-culture, comme les jeux vidéos59.
29Selon Valérie Hannin, « le grand enjeu du moment, c'est de déterminer quelle est la place que peuvent tenir les historiens académiques dans le grand marché de l'histoire publique60 » tandis que pour Jean-Claude Robert, il est important pour « un historien de collaborer à des entreprises de vulgarisation pour mieux diffuser la connaissance historique61 ». Il estime « qu'il s'agit d'une dimension essentielle de sa responsabilité de citoyen62 ».
30En revanche, il est difficile de conserver ce regard critique si les historiens restent, comme Valérie Hannin l'avance, en position de dominés vis-à-vis de l'industrie vidéoludique. Il est donc nécessaire que les productions culturelles à caractère historique fassent une place essentielle, et qui semble leur revenir de droit, aux historiens académiques. Pour le spécialiste des questions de diffusion qu’est Daniel Jacobi, il s’agit là d'ailleurs de l'une des deux conditions pour que ces derniers vulgarisent leur science63. Néanmoins, il est aussi tout à fait compréhensible que ceux-ci n'aient pas le temps ou l'envie de le faire puisque la vulgarisation au grand public n'est pas l'essence de leur métier. Ils peuvent aussi ne pas en être parfaitement capable. La médiation, scientifique à plus forte raison, est un travail à part entière qui nécessite des qualités qu'un chercheur n'a pas nécessairement. Jean-Claude Robert explique que lorsqu'il a travaillé pour la télévision québecoise, il lui a été difficile de faire des choix entre la spécification historique qu'il était en mesure de faire, et l'obligation de rendre les programmes tangibles pour les téléspectateurs64.
31Fort heureusement, des professionnels sont à même d'être formés à l'université et, d'une part y acquérir la méthodologie universitaire de recherche et de comparaison des sources, et de l'autre développer des compétences de vulgarisation adaptées à différents médias ou contextes de médiation. Ainsi, l'histoire publique peut-elle être le lien entre l'académique et le populaire ?
L'histoire publique : former un lien entre l'histoire académique et l'histoire populaire ?
32Dès les années 1970, des universitaires se sont faits les détracteurs de la vulgarisation scientifique, comme les sociologues Luc Boltanksi et Pascale Maldidier qui écrivent que « la vulgarisation devrait perdre toute légitimité lorsqu'elle est l'activité spécifique d'un groupe totalement extérieur à la cité savante65 ». Plus récemment, le professeur en Sciences de l’information, Baudouin Jurdant, considère même que la conception du vulgarisateur relève d'une « contradiction statutaire : le “scientifique” qui se fait journaliste ou le “littéraire” qui écrit au nom de la science (ce qui est d'ailleurs le plus souvent le cas)66 ». Le chimiste Pierre Laszlo pense lui que « la prise en charge de l'information du grand public par les scientifiques eux-mêmes est un gage du succès de la vulgarisation. La médiation par le « Troisième Homme » [le vulgarisateur] aboutit trop souvent à pervertir la denrée67 ».
33La proposition est émise par le mathématicien François Le Lionnais. Ce savant est particulièrement attaché à la vulgarisation comme en témoigne sa création avec l'UNESCO du prix Kalinga-UNESCO qui est dédié à cette tâche. Pour lui,
il ne s'agit pas de donner le micro à des Scientifiques qui diront ce qui leur plaît, même si l'on ne devait pas avoir d'auditeurs ou de téléspectateurs […]. Le rôle du Scientifique doit être d'avoir des conversations préalables avec le producteur, le réalisateur, le journaliste présentateur, de manière à permettre d'éviter des erreurs ; mais à partir de ce moment-là, le Scientifique doit se retirer et c'est l'homme de la Radio ou de la Télévision qui doit, lui, prendre en charge la partie, au moins aussi difficile, qui est de faire pénétrer dans le grand public des connaissances nouvelles68.
34On retrouve ici le type de participation à des productions populaires auxquelles certains historiens se prêtent comme on a pu le voir avec Jean-Clément Martin et Laurent Turcot, Benoît Humbert ou Alexandre Lafon, bien qu'on leur laisse plus ou moins de place.
35Si, depuis plusieurs décennies, on retrouve une tendance importante au sein de l'histoire académique à rejeter le vulgarisateur parce qu'il n'appartient pas au milieu universitaire, serait-il alors possible de lui faire une place aujourd'hui s'il appartient lui-même au monde de la recherche et qu'il est formé pour être le pont reliant le scientifique au grand public ? L'historien public resterait-il alors encore le « Troisième Homme » décrié par Baudouin Jurdant ? En réalité, son but serait différent. Si toutefois cela n'est pas inenvisageable pour l'historien public, son objectif premier n'est pas nécessairement d’élaborer des vidéos ou des jeux vidéo : son rôle est surtout d’être en capacité d'assister ceux qui réalisent. Il n'est pas un « Troisième Homme », tel un scientifique qui s'improvise journaliste, ou un journaliste qui s'improvise scientifique, puisqu'il est en réalité formé pour faire les deux à la fois, en agissant comme le relai de l'historien-chercheur dans la société.
36Le Canadien, spécialiste des processus d’évaluation, Marc Riopel, résume le travail de l'historien public, qu'il appelle « historien du milieu », comme consistant
à effectuer une recherche originale selon les normes méthodologiques en vigueur dans le milieu universitaire, à utiliser les principales nouveautés de l'historiographie, à développer de nouveaux objets de recherche, à les faire connaître au grand public par le biais d'un moyen de diffusion original et adapté à ses exigences. Ainsi, le caractère scientifique d'un projet d'application de l'histoire [histoire publique] réside dans la démarche, la méthodologie et l'écriture69.
37Si l'historien public parvient à prendre une place plus importance que celle de rassembler de l'information ou inspirer les développeurs, et qu'il peut avoir son mot à dire sur les contenus et rendus finaux, il semble qu'il soit le lien idéal entre l'académique et le populaire. Néanmoins, le concours de spécialistes, que les historiens publics sont les plus à même d'identifier et de contacter, reste tout de même très important. Marc Riopel détaille un processus qui permettrait à terme non plus seulement d'impliquer les historiens dans la vulgarisation scientifique mais bien d'inclure ce milieu dans la recherche académique. Ce processus comporterait deux étapes. La première serait « la démocratisation de l'étude et de la diffusion de l'histoire70 », et la seconde, des plus importantes, serait l'acceptation d'un partage de l'autorité intellectuelle qui pour l'instant n'est détenue que par l'histoire académique. Il présente ce partage comme celui entre les historiens académiques d'une part, et, d’autre part, ce qu'il appelle un « comité du milieu » composé d'un collège de praticiens de l'histoire publique, que l'on peut imaginer être étendu à tous ceux et toutes celles ayant été formés à la pratique professionnelle de l'histoire publique.
38Un tel partage de l'autorité intellectuelle nécessiterait également une organisation professionnelle généralisée avec la mise en vigueur d'une certaine déontologie de la pratique de l'histoire publique. En effet, Marc Riopel précise que « les historiens du milieu sont plus susceptibles que leurs confrères universitaires de subir des pressions de la part de clients désireux de restreindre leur liberté d'expression, ou encore d'orienter les conclusions finales de leurs études71 ». Il insiste sur la mise en place d'un code d'éthique préalable à la conclusion de tout contrat avec des clients afin de s'assurer au minimum de « protéger les ressources historiques de la société, promouvoir une conscience historique et interpréter le passé d'une façon visant l'objectivité72 ». Dès lors, on peut penser la création, voire l’institutionnalisation, généralisée d'une profession, ou d'une institution comme celle demandée par Margaret Conrad à la Société historique du Canada, qui répondrait aux deux types de pratiques de l'histoire. D'une part, elle répondrait au besoin de l'histoire populaire comme transmetteuse d'une histoire adaptée au grand public. D’autre part, elle permettrait d'éviter à l'histoire académique de voir le résultat de ses recherches déformé par un manque de rigueur méthodologique qui a conduit les chercheurs à s'éloigner du public populaire en premier lieu. En revanche, cela demande également un travail de fond auprès de tous les organismes, institutions, privés ou publics qui se saisissent de l'histoire à des fins commerciales, pour les inciter à développer leur collaboration avec les historiens publics.
Conclusion
39Ainsi, la méthode historienne a mené à une production scientifique riche où les sources et les analyses se mêlent les unes aux autres pour apporter à la société une meilleure compréhension de son passé. Mais est-ce réellement toute la société qui a accès à ces analyses qui éclairent le présent ? Leur vocation à exercer une science rigoureuse a conduit une grande partie des historiennes et historiens à s'éloigner de la cité et à entretenir un entre-soi. Cependant, l'histoire a bel et bien cette particularité d'être très appréciée, employée et consommée, et l'éloignement des historiens académiques a participé à les éloigner du grand public, notamment des classes populaires, et à renforcer le pouvoir et la légitimité des historiens dits « populaires ». L'historien vulgarisateur sympathique et accessible gagne souvent plus facilement la confiance de quelqu'un qui souhaite apprendre, que l'historien universitaire que l'on voit peu dans les grands médias. Si certains participent tout de même à diffuser l'histoire dans la société, ils sont avant tout chercheurs et sont généralement présents sur l'invitation des productions populaires. Pour résoudre le problème de l'existence d'utilisations hasardeuses ou fallacieuses de l'histoire, problème grandissant proportionnellement à l'accélération de l'échange d'informations, il semble nécessaire que d'autres personnes, et non plus seulement les spécialistes d'un sujet ou d'une période que sont les historiens-chercheurs, prennent un rôle de garant de l'historicité des contenus populaires. Il semble tout à fait indiqué que ces personnes soient les praticiens de l'histoire publique. Formés à la recherche mais également à la médiation culturelle, ils pourraient allier les deux au sein de différentes institutions publiques ou privées, notamment en lien avec les médias. Ils pourraient alors aider des développeurs de jeux vidéo ou des vidéastes qui ne sont généralement pas formés à la méthodologie universitaire et qui, bien souvent, n'échappent pas aux biais culturels et idéologiques dominants, que cela soit un roman national, ou un discours public consensuel. Plusieurs masters d'histoire publique se créent en France depuis l'ouverture du premier à l'Université Paris-Est Créteil en 201573, et il semble essentiel d'encourager et poursuivre ces formations d'historiens publics, qui pourraient jouer un rôle important dans la lutte globale contre la mésinformation, voire la désinformation grandissante.
Bibliographie
40Pauline Adenot, « Les pro-am de la vulgarisation scientifique : de la co-construction de l'ethos de l'expert en régime numérique », Itinéraires, no 2015-3, 2016, p. 159-173.
41Stéphane Debove et al., « French Science Communication on YouTube: A Survey of Individual and Institutional Comunicators and Their Channel Characteristics », Frontiers in Communication, vol. 6, 2021, p. 21.
42Edward Hallet Carr, What is History ?, 2e éd., London, Penguin Books, 1987.
43Margaret Conrad, « L'histoire publique et le mécontentement qu'elle suscite, ou l'histoire à l'ère de Wikipédia », Revue de la société historique du Canada, vol. 18, no 1, 2007, p. 55.
44Catherine Croizy-Naquet, Alain Delissen, « “Mais vous n’allez pas sombrer si vite dans la petite histoire ?” Une revue à l’heure de la vulgarisation. Entretien avec Valérie Hannin », La petite histoire, no 17, 2017, p. 175-182.
45Ann Curthoys, « Crossing Over: academic and popular history », Australasian Journal of Popular Culture, vol. 1, n o 1, 2012, p. 7-18.
46Fabrice d'Almeida, Catherine Croizy-Naquet, Alain Delissen, « “Français, on vous berne !” Situation de l'histoire médiatique et de l'histoire publique. Entretien avec Fabrice d'Almeida », Écrire l'histoire, no 17, 2017, p. 165-173.
47Suzanne de Cheveigné, « Introduction. La science dans une société médiatisée », Hermès, La Revue. Cognition, communication, politique, CNRS Éditions, vol. 21, 1997, p. 15-22.
48José-Louis de Miras, « Réflexions autour de la place de l’historien dans la production vidéoludique “historique” : le cas du jeu Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre », Essais, no 15, 2019, p. 199-212.
49Laurent Gervereau, « Le musée, source ou moteur de recherche ? », Vingtième Siècle, no 72, 2001, p. 125-132.
50Baudouin Jurdant, Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, thèse de doctorat de psychologie, Strasbourg, Université Louis Pasteur de Strasbourg, 1973, p. 273.
51Julien Lalu, Utilisation et représentation de l'Histoire dans les jeux vidéos, mémoire de master d'histoire dirigé par Jérôme Grévy, 2012, Poitiers, Université de Poitiers, p. 199.
52Julien Lalu, L'évolution du discours des milieux politiques et médiatiques français sur le jeu vidéo de 1972 à 2012. Naissance d'une culture vidéoludique, thèse de doctorat d'histoire sous la direction de Jérôme Grévy, Poitiers, Université de Poitiers, 2018, p. 513.
53Guillaume Lancereau, « À qui parlent les historiens ? », Politika [en ligne], dernière modification le 25 octobre 2022, consulté le 8 janvier 2023, [URL : https://www.politika.io/fr/article/a-qui-parlent-historiens].
54Pierre Laszlo, La Vulgarisation scientifique, Paris, PUF, 1993.
55Pascale Maldidier, Luc Boltanski, « Carrière scientifique, morale scientifique et vulgarisation », Social Science Information, vol. 9, no 3, 1970, p. 99-118.
56Marc Marti, « L’Histoire dans le jeu vidéo, une généalogie narrative problématique ? », Sciences du jeu, no 9, 2018, p. 972-1054.
57Scott Alan Metzger, Richard Paxton, « Gaming history: A Framework for What Video Games Teach About the Past », Theory & Research in Social Education, no 44, 2016, p. 532-564.
58Thomas Rabino, « Jeux vidéo et Histoire », Le Débat, no 177, 2013, p. 110-116.
59Marc Riopel, « Réflexion sur l'application de l'histoire », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 57, no 1, 2003, p. 5-21.
60Jean-Claude Robert, « L'historien et les médias », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 57, no 1, 2003, p. 57-69.
61Jacques Rouillard, « Conjuguer le passé au présent », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 57, no 1, 2003, p. 71-78.
62Emilien Ruiz, « L'histoire populaire : label éditorial ou nouvelle forme d'écriture du social ? », Le Mouvement Social, no 269-270, 2019, p. 185-230.
Sitographie
63William Audureau, « Assassin's Creed Unity est un jeu vidéo grand public, pas une leçon d'histoire », Le Monde, 2014, dernière mise à jour le 20 décembre 2016, consulté en janvier 2022, [URL : https://www.lemonde.fr/jeux-video/article/2016/12/20/assassin-s-creed-unity-est-un-jeu-video-grand-public-pas-une-lecon-d-histoire_4523111_1616924.html].
64Julien Blary, « Humankind : Interview exclusive à l'occasion de l'AG French Direct », Actugaming.net [en ligne], dernière mise à jour le 26 mars 2021, consulté en janvier 2023, [URL : http://www.actugaming.net/humankind-interview-agfd-401628/].
65Manon Bril, Comment bien vulgariser ? Feat. Nota Bene, C'est une autre histoire, YouTube [vidéo en ligne], 11 avril 2018, 14 mn 09, [URL: https://youtu.be/MA0aU1xk1_4].
66Brut, Interview Brut : Maxime Durand, l'historien d'“Assassin's Creed”, YouTube [vidéo en ligne], 1er novembre 2019, 4 mn 18, [URL : https://youtu.be/Hlj3KJ-MaAY].
67Benjamin Chapon, « “Secrets d'Histoire” : “Avec le Bingo Bern, on pointe la paresse et la subjectivité de l'émission” explique un professeur d'histoire », 20minutes, mis à jour le 22 mars 2019, consulté le 8 janvier 2023, [URL : https://m.20minutes.fr/amp/a/2479067].
68Alexis Corbiere, « De “Secrets d'Histoire au Panthéon : lettre à la Présidente de France Télévisions », Le club de Médiapart [en ligne], mis en ligne le 27 mai 2015, consulté en janvier 2023, [URL : https://blogs.mediapart.fr/alexis-corbiere/blog/270515/de-secrets-dhistoire-au-pantheon-lettre-la-presidente-de-france-televisions].
69Julie Deramond, « De la vulgarisation à l'interprétation de l'histoire », Com' en histoire [en ligne], mis en ligne le 9 janvier 2019, consulté en janvier 2023, [URL : https://cehistoire.hypotheses.org/1590#footnote_2_1590].
70Zineb Dryef, « Les historiens hurlent, Lorànt Deutsche cartonne », L'Obs avec Rue89 [en ligne], mis en ligne le 18 novembre 2016, consulté le 16 juin 2022, [URL : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-rue89-culture/20131006.RUE9210/les-historiens-hurlent-lorant-deutsch-cartonne.html].
71France 2, « Communiqué de presse », France2ServicePresse – Twitter, 27 mai 2015.
72Mathilde Hutin, Les chaînes YouTube culturelles et scientifique francophones, Délégation générale à la langue française et aux langues de France, Ministère de la culture, 2018, p. 64 [URL : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Ressources/Ressources-pedagogiques-et-sensibilisation2/350-ressources-culturelles-et-scientifiques-francophones-en-video].
73François Jarraud, « Julien Lalu : Enseigner l'histoire avec le jeu vidéo », Le Café pédagogique, 2016, mis en ligne le 10 juin 2016, consulté en janvier 2023, [URL : https://www.cafepedagogique.net/2016/06/10/julien-lalu-enseigner-l-histoire-avec-le-jeu-video/].
74Nicolas Kaczmarek, Marie-Cecile Maday, « Lorànt Deutsch devant nos élèves ? Ce sera sans nous», Hypothèses [en ligne], mis en ligne le 12 octobre 2016, consulté en janvier 2023, [URL : https://aggiornamento.hypotheses.org/3533].
75Marie Lerou, « “Laissez-vous guider” : Pourquoi le duo Stéphane Bern et Lorànt Deutsch énerve-t-il tant les historiens ? », 20minutes [en ligne], 2019, dernière mise à jour le 2 mai 2019, consulté le 8 janvier 2023, [URL : https://www.20minutes.fr/arts-stars/television/2508983-20190502-laissez-guider-pourquoi-duo-stephane-bern-lorant-deutsch-enerve-historiens].
76Jean-Daniel Levy, Gaspard Lancrey-Javal, Morgane Hauser, Les Français et l'Histoire, enquête menée par Harris Interactive pour Historia [en ligne], 2019, p. 9, [URL : https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-lhistoire/].
77Jean-Daniel Levy, Sylvain Reich, Yanis Belaghene, Les Français et l'Histoire, enquête menée par Harris Interactive pour Historia [en ligne], 2022, [URL : http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2022/09/Rapport-Harris-Toluna-Les-Francais-et-lHistoire-LHistoire.pdf].
78Merci Bobby, « Comment devenir Inspirational Content Advisor ? (Thomas Rockenstrocly) », YouTube [en ligne], 19 mars 2021, 8 mn 34, [URL : https://youtu.be/OXBnJozFnU0].
79Antoine Resche “Histony”, « Peut-on faire du documentaire historique de qualité ? », Veni Vidi Sensi [en ligne], mis en ligne le 2 décembre 2019, consulté en janvier 2023, [URL : https://venividisensivvs.wordpress.com/2019/12/02/peut-on-faire-du-documentaire-historique-de-qualite/].
Notes
1 Jean-Claude Robert, « L'historien et les médias », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 57, no 1, 2003, p. 68.
2 Emilien Ruiz, « L'histoire populaire : label éditorial ou nouvelle forme d'écriture du social ? », Le Mouvement Social, no 269-270, 2019, p. 185-230.
3 Howard Zinn, A people’s History of the United States: 1492-Present, Harper Collins, 1999 (traduction française, Une histoire Populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Marseille, Agone, 2002) ; Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, Paris, La Découverte, 2016 ; Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent ans à nos jours, Marseille, Agone, 2018.
4 Ibid., p. 194.
5 Ibid., p. 188.
6 Jean-Daniel Levy, Sylvain Reich, Yanis Belaghene, Les Français et l'Histoire, enquête menée par Harris Interactive pour Historia [en ligne], 2022, p. 9, [URL : http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2022/09/Rapport-Harris-Toluna-Les-Francais-et-lHistoire-LHistoire.pdf].
7 Ces réflexions et cet article sont tirés d'un mémoire de master intitulé Transmettre l'histoire autrement. Les nouveaux médias au service de la transmission historique, dirigé par Jérôme Grévy entre 2021 et 2022 à l'Université de Poitiers.
8 Julien Lalu, Utilisation et représentation de l'Histoire dans les jeux vidéos, mémoire de master d'histoire dirigé par Jérôme Grévy, 2012, Poitiers, Université de Poitiers, p. 63.
9 Thomas Rabino, « Jeux vidéo et Histoire », Le Débat, no 177, 2013, p. 110.
10 Julien Lalu, L'évolution du discours des milieux politiques et médiatiques français sur le jeu vidéo de 1972 à 2012. Naissance d'une culture vidéoludique, thèse de doctorat d'histoire sous la direction de Jérôme Grévy, Poitiers, Université de Poitiers, 2018, p. 212.
11 Marc Marti, « L'Histoire dans le jeu vidéo, une généalogie narrative problématique ? », Sciences du jeu, no 9, 2018, p. 973.
12 Mathilde Hutin, Les chaînes YouTube culturelles et scientifiques francophones, Délégation générale à la langue française et aux langues de France, Ministère de la culture, 2018, p. 64, [URL : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Ressources/Ressources-pedagogiques-et-sensibilisation2/350-ressources-culturelles-et-scientifiques-francophones-en-video].
13 Tania Louis, Situation professionnelle des vidéastes vulgarisateurs francophones, enquête menée auprès de 106 répondants [en ligne], 2016, [URL : https://www.estim-mediation.fr/v2/wp-content/uploads/2016/09/Analyse-finale.pdf].
14 Stéphane Debove et al., « French science Communication on YouTube: A Survey of Individual and Institutional Comunicators and Their Channel Characteristics », Frontieres in Communication, vol. 6, 2021, p. 7.
15 Ibid.
16 Manon Bril, « Comment bien vulgariser ? Feat Nota Bene », C'est une autre histoire, YouTube [vidéo en ligne], mis en ligne le 11 avril 2018, 6 mn 11, [URL : https://youtu.be/MA0aU1xk1_4].
17 Jean-Daniel Levy, Gaspard Lancrey-Javal, Morgane Hauser, Les Français et l'Histoire, enquête menée par Harris Interactive pour Historia [en ligne], 2019, p. 9, [URL : https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-lhistoire/].
18 Alexis Corbière, « De “Secrets d'Histoire au Panthéon : lettre à la Présidente de France Télévisions », Le club de Médiapart [en ligne], mis en ligne le 27 mai 2015, dernière consultation le 8 janvier 2023, [URL : https://blogs.mediapart.fr/alexis-corbiere/blog/270515/de-secrets-dhistoire-au-pantheon-lettre-la-presidente-de-france-televisions].
19 Ibid.
20 Fabrice d'Almeida, Catherine Croizy-Naquet et Alain Delissen, « “Français, on vous berne !” Situation de l'histoire médiatique et de l'histoire publique. Entretien avec Fabrice d'Almeida », Écrire l'histoire, no 17, 2017, p. 169.
21 Benjamin Chapon, « “Secrets d'Histoire ” : “Avec le Bingo Bern, on pointe la paresse et la subjectivité de l'émission” explique un professeur d'histoire », 20minutes, mis à jour le 22 mars 2019, consulté le 8 janvier 2022, [URL : https://m.20minutes.fr/amp/a/2479067].
22 France 2, « Communiqué de presse », France2ServicePresse – Twitter, 27 mai 2015.
23 Marie Lerou, « “Laissez-vous guider” : Pourquoi le duo Stéphane Bern et Lorànt Deutsch énerve-t-il tant les historiens ? », 20minutes [en ligne], 2019, dernière mise à jour le 2 mai 2019, consulté le 8 janvier 2023, [URL : https://www.20minutes.fr/arts-stars/television/2508983-20190502-laissez-guider-pourquoi-duo-stephane-bern-lorant-deutsch-enerve-historiens].
24 Ibid.
25 Fabrice d'Almeida, Catherine Croizy-Naquet et Alain Delissen, « “Français, on vous berne !” Situation de l'histoire médiatique et de l'histoire publique. Entretien avec Fabrice d'Almeida », op. cit., p. 168.
26 Zineb Dryef, « Les historiens hurlent, Lorànt Deutsche cartonne », L'Obs avec Rue89 [en ligne], mis en ligne le 18 novembre 2016, consulté le 16 juin 2022, [URL : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-rue89-culture/20131006.RUE9210/les-historiens-hurlent-lorant-deutsch-cartonne.html].
27 Ibid.
28 Fabrice d'Almeida, Catherine Croizy-Naquet et Alain Delissen, « “Français, on vous berne !” », op. cit., p. 169.
29 Nicolas Kaczmarek, Marie-Cécile Maday, « Lorànt Deutsch devant nos élèves ? Ce sera sans nous », Hypothèses [en ligne], mis en ligne le 12 octobre 2016, consulté en janvier 2023, [URL : https://aggiornamento.hypotheses.org/3533].
30 Guillaume Lancereau, « À qui parlent les historiens ? », Politika [en ligne], dernière modification le 25 octobre 2022, consulté le 8 janvier 2023, [URL : https://www.politika.io/fr/article/a-qui-parlent-historiens].
31 José-Louis de Miras, « Réflexions autour de la place de l'historien dans la production vidéoludique “historique” : le cas du jeu Soldats inconnus : Mémoires de la Grande guerre », Essais, no 15, 2019, p. 199-212.
32 Ibid., p. 201.
33 Ibid.
34 Antoine “Histony” Resche, « Peut-on faire du documentaire historique de qualité ? », Veni Vidi Sensi [en ligne], mis en ligne le 2 décembre 2019, consulté en janvier 2023, [URL : https://venividisensivvs.wordpress.com/2019/12/02/peut-on-faire-du-documentaire-historique-de-qualite/].
35 Fabrice d'Almeida, Catherine Croizy-Naquet et Alain Delissen, « “Français, on vous berne !” », op. cit., p. 170.
36 Antoine “Histony” Resche, « Peut-on faire du documentaire historique de qualité ? », op. cit.
37 Ibid.
38 José-Louis de Miras, « Réflexions autour de la place de l'historien dans la production vidéoludique “historique” : le cas du jeu Soldats inconnus : Mémoires de la Grande guerre », op. cit., p. 201.
39 Julien Blary, « Humankind : Interview exclusive à l'occasion de l'AG French Direct », Actugaming.net [en ligne], dernière mise à jour le 26 mars 2021, consulté en janvier 2023, [URL : https://www.actugaming.net/humankind-interview-agfd-401628/].
40 William Audureau, « Assassin's Creed Unity est un jeu vidéo grand public, pas une leçon d'histoire », Le Monde [en ligne], 2014, mis à jour le 20 décembre 2016, dernière consultation le 8 janvier 2023, [URL : https://www.lemonde.fr/jeux-video/article/2016/12/20/assassin-s-creed-unity-est-un-jeu-video-grand-public-pas-une-lecon-d-histoire_4523111_1616924.html].
41 Brut, « Interview Brut : Maxime Durand, l'historien d'“Assassin's Creed” », YouTube [vidéo en ligne], mise en ligne le 1er novembre 2019, 1 mn 11, [URL : https://youtu.be/Hlj3KJ-MaAY].
42 William Audureau, « Assassin's Creed Unity est un jeu vidéo grand public, pas une leçon d'histoire », op. cit.
43 Merci Bobby, « Comment devenir Inspirational Content Advisor ? (Thomas Rockenstrocly) », YouTube [vidéo en ligne], mise en ligne le 19 mars 2021, visionnage en janvier 2023, 08 mn 34, [URL : https://youtu.be/OXBnJozFnU0].
44 José-Louis de Miras, « Réflexions autour de la place de l'historien dans la production vidéoludique “historique” », op. cit., p. 199-212.
45 Leopold Von Ranke, The Secret of World History: Selected Writings on the Art and Science of History, éd. Roger Wines, New York, Fordham University Press, 1981, cité dans Ann Curthoys, « Crossing Over: academic and popular history », Australasian Journal of Popular Culture, vol. 1, no 1, 2012, p.8.
46 Thomas Babington, « On History », Edinburgh Review, 1828, p. 331-367, cité dans Ann Curthoys, « Crossing Over: academic and popular history », Australasian Journal of Popular Culture, vol. 1, no 1, 2012, p. 8.
47 John-Dalberg Acton, Lectures on Moderne History, 1906, p. 318, cité dans Edward Hallett Carr, What is History ?, 2e éd., London, Penguin Books, 1987, p. 9.
48 Thomas Babington Macaulay, « On History », Edinburgh Review, 1828, p. 331-367, cité dans Ann Curthoys, « Crossing Over: academic and popular history », op. cit., p. 8.
49 Emilien Ruiz, « L'histoire populaire : label éditorial ou nouvelle forme d'écriture du social ? », op. cit., p. 188.
50 Ibid., p. 190-191.
51 Pauline Adenot, « Les pro-am de la vulgarisation scientifique : de la co-construction de l'ethos de l'expert en régime numérique », Itinéraires, no 2015-3, 2016, p. 1.
52 Ibid., p. 2.
53 Ann Curthoys, « Crossing Over: academic and popular history », op. cit., p. 11.
54 Ibid.
55 Margaret Conrad, « L'histoire publique et le mécontentement qu'elle suscite, ou l'histoire à l'ère de Wikipédia », Revue de la société historique du Canada, vol. 18, no 1, 2007, p. 55.
56 Jean-Claude Robert, « L'historien et les médias », op. cit., p. 57.
57 Jacques Rouillard, « Conjuguer le passé au présent », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 57, no 1, 2003, p. 57.
58 Catherine Croizy-Naquet, Alain Delisen, « “Mais vous n'allez pas sombrer si vite dans la petite histoire ?” Une revue à l'heure de la vulgarisation. Entretien avec Valérie Hannin », Écrire l'histoire, no 17, 2017, p. 179.
59 Scott Metzger, Richard Paxton, « Gaming History: A Framework for What Video Games Teach About the Past », Thoery & Research in Social Education, vol. 44, 2016, p. 533.
60 Catherine Croizy-Naquet, Alain Delisen, « “Mais vous n'allez pas sombrer si vite dans la petite histoire ?” Une revue à l'heure de la vulgarisation. Entretien avec Valérie Hannin », op. cit., p. 180.
61 Jean-Claude Robert, « L'historien et les médias », op. cit., p. 59.
62 Ibid.
63 Julie Deramond, « De la vulgarisation à l'interprétation de l'histoire », Com' en histoire [en ligne], mis en ligne le 9 janvier 2019, consulté en janvier 2023, [URL : https://cehistoire.hypotheses.org/1590#footnote_2_1590].
64 Jean-Claude Robert, « L'historien et les médias », op. cit., p. 58.
65 Pascale Maldidier, Luc Boltanski, « Carrière scientifique, morale scientifique et vulgarisation », Social Science Information, vol. 9, n o 3, 1970, p. 64, cité dans Baudouin Jurdant, Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, thèse de doctorat de psychologie, Strasbourg, Université Louis Pasteur de Strasbourg, 1973, p. 41.
66 Baudouin Jurdant, Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, op. cit., p. 42.
67 Pierre Laszlo, La vulgarisation scientifique, Paris, PUF, 1993, p. 118, cité dans Suzanne de Cheveigné, « Introduction. La science dans une société médiatisée », Hermès. La Revue, no 21, 1997, p. 17-18.
68 François Le Lionnais, « Débat AESF du 16 mai 1972 », Bulletin d'information de l'AESF, no 19, cité dans Suzanne de Cheveigné, « Introduction. La science dans une société médiatisée », op. cit., p. 17-18.
69 Marc Riopel, « Réflexion sur l'application de l'histoire », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 57, no 1, 2003, p. 8.
70 Ibid., p. 14.
71 Ibid., p. 19.
72 Ibid.
73 Master Histoire. Parcours Histoire publique, Université de Paris-Est-Créteil (UPEC), [URL : https://www.u-pec.fr/fr/formation/master-histoire-parcours-histoire-publique].
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